AU COURS de la phase évolutive, et parfois même en période latente, l'infection par le VIH peut s'accompagner de troubles neurologiques, voire psychiatriques, dont l'incidence s'est majorée avec l'utilisation de certains traitements antirétroviraux. Or le virus, même en culture, ne peut infecter les neurones. Il est donc vraisemblable que ces troubles surviennent par un mécanisme indirect en rapport avec des molécules pro-inflammatoires ou des protéines virales neurotoxiques. L'hypothalamus – et plus précisément le noyau suprachiasmatique – est particulièrement sensible à la présence du VIH puisque les malades présentent fréquemment des troubles des fonctions gérées par cette entité : régulation homéostasique, rythmicité circadienne de la température, activité motrice, cycle du sommeil et sécrétions hormonales. Pour le Dr Salvador Huitron-Resendiz (La Jolla, Etats-Unis), «il est possible que les modifications du contrôle circadien puissent être à l'origine d'altérations de certaines fonctions neurologiques telles que les fonctions cognitives».
Partant de cette hypothèse, son équipe a analysé les rythmes circadiens, l'homéostasie et l'activité motrice de singes infectés par le virus SIV à différents stades de la maladie (primo-infection, stade latent, trois stades d'encéphalite).
Le jour et la nuit.
La première phase du travail a consisté à mesurer la température du corps à l'état de base et aux cinq différents stades de la maladie. Avant la primo-infection, la température corporelle est remarquablement stable et plus élevée le jour que la nuit (37,28 contre 36,19 °C). Au moment de la primo-infection, la température diurne est majorée de 0,42 °C et au stade d'encéphalite elle augmente de 0,12 à 0,34 °C. La température nocturne varie de 0,58 °C en phase de primo-infection et de 0,34 à 1,31 °C en phase évolutive.
L'amplitude de l'activité locomotrice est elle aussi modifiée par l'infection : elle s'abaisse en moyenne de 44 % en phase de primo-infection et de 63 à 88 % au stade d'encéphalite. Les auteurs ont aussi noté qu'il existe dès la phase latente une baisse significative de l'activité motrice de 20 % environ, qui précède l'installation des signes cliniques d'encéphalite. La baisse d'activité motrice existe aussi la nuit et son niveau est similaire à celui observé en cours de journée.
Le Dr Huitron-Resendiz a ensuite procédé à une analyse histopathologique des tissus du système nerveux central chez des animaux sacrifiés en phase avancée d'encéphalite. L'analyse des coupes de tissu cérébral – et en particulier celles de l'hypothalamus – révèle la présence d'une accumulation multifocale périvasculaire de macrophages, l'existence d'une activation des cellules de la microglie et des astrocytes, la présence de cellules immunitaires (macrophages et à un moindre degré lymphocytes) et l'existence de celles multinucléaires géantes pathognomoniques.
L'activation précoce de la microglie.
Pour les auteurs, «on peut différencier deux phases d'infection virale: la primo-infection qui s'associe, comme c'est le cas de toutes les infections virales, à une réaction fébrile, et la seconde qui affecte à la fois l'homéostasie et l'activité motrice. Il semblerait que les phénomènes secondaires soient en rapport avec l'activation précoce de la microglie et la production de médiateurs de l'immunité qui affectent la physiologie des neurones de l'hypothalamus et contribuent aux modifications du rythme circadien. Chez l'homme infecté par le VIH et chez certains patients atteints de maladie d'Alzheimer, des phénomènes similaires pourraient se produire».
« Proc Natl Acad Sci USA », 2007, édition avancée en ligne.
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