TOUT EST AFFAIRE de contexte : il serait en quelque sorte naturel que Hillary Clinton gagne en Pennsylvanie si Barack Obama n'avait fait tout ce qu'il pouvait pour qu'elle perde, notamment en abreuvant l'électorat d'un déluge de publicités télévisées. Le sénateur de l'Illinois dispose en effet d'un trésor de guerre beaucoup plus élevé que celui de Mme Clinton, menacée par un sérieux découvert bancaire. Or les dix points d'avance de la candidate indiquent que, contrairement à ce qu'il affirme, M. Obama n'a pas resserré l'écart avec la sénatrice de New York.
Une battante.
Mme Clinton avait commencé la campagne des primaires avec la certitude de l'emporter ; la candidature de M. Obama l'a aussitôt transformée en challenger. L'épouse de l'ex-président a démontré qu'elle était aussi solide comme underdog que comme chef de file. C'est de cette manière que, à notre avis, on doit juger la campagne de Mme Clinton. Les décomptes de délégués sont illusoires. Le sénateur Obama a déstabilisé son adversaire, mais il ne l'a pas écrabouillée sur son passage. Le voici, à son tour, dans le rôle du chef de file contesté.
En outre, Mme Clinton dispose d'un bon argument : elle perd peut-être les petits Etats, mais elle gagne dans les grands, ceux qui sont les plus peuplés, ceux qui apporteront la décision finale lors de l'affrontement présidentiel. Quand Barack Obama affirme qu'il est le meilleur candidat démocrate face à John McCain, il est moins crédible, selon nous, que Mme Clinton quand elle dit la même chose pour elle-même.
Cependant, on ne peut pas tirer de la résilience de Mme Clinton un constat positif. La campagne démocrate a pris une mauvaise tournure : les deux candidats s'entre-déchirent sur des questions secondaires et pas toujours très nobles. M. Obama a attribué la possession d'armes et l'alcoolisme à la pauvreté et aux craintes des gens ; il s'est aliéné les voix de ceux qui considèrent comme une liberté le fait d'avoir des armes à la maison ou de boire de la bière. Mme Clinton a cru bon d'enfoncer le clou à propos de ce qui n'aura été, en fait, qu'une maladresse de M. Obama. Mais est-ce le fond du problème ?
De la même manière, M. Obama a accusé Mme Clinton de diffuser des publicités politiques qui jouent sur la peur des Américains, mais les siennes ne sont pas du meilleur goût.
A FORCE D'EXALTER OBAMA, L'AMERIQUE FINIRA PAR AVOIR MCCAIN COMME PRESIDENT
C'est McCain qui ramasse la mise.
Toutes ces querelles internes ouvrent un champ inespéré à John McCain, qui se réjouit de voir le camp démocrate s'enfoncer dans la démagogie. Alors que l'opposition pouvait se targuer de présenter deux candidats de haute qualité, M. McCain, dont il faut rappeler qu'il est parfois imprévisible, que son idéologie est à géométrie variable et qu'il fait souvent des colères peu présidentielles, apparaît aujourd'hui comme le candidat stable et serein, investi par l'ensemble du Parti républicain.
On doit espérer mieux pour l'Amérique que la continuité partielle de la politique de Bush et la promesse de McCain de «rester cent ans en Irak». Certes, le Parti démocrate a insisté auprès des deux candidats pour qu'ils soient moins agressifs. Le débat qui a précédé l'élection de Pennsylvanie en a été particulièrement soporifique. Mme Clinton, parce qu'elle est devancée par M. Obama, et M. Obama, parce qu'il est talonné par Mme Clinton, hésitent de plus en plus à dire ce qu'ils pensent, craignent de prononcer le mot irréparable, s'en tiennent à un discours convenu qui ne risque pas de les départager. Le sénateur de l'Illinois a perdu de sa formidable éloquence, la sénatrice de New York ne donne pas la mesure de ses capacités. En prétendant qu'elle avait subi le baptême du feu lors d'un voyage en ex-Yougloslavie (les photos de l'époque montrant une visite de patronage l'ont ridiculisée), elle a commis l'un de ces pieux mensonges qui rappellent un peu Ségolène Royal.
Rien n'empêche pourtant Mme Clinton et M. Obama de terminer la campagne en attaquant M. McCain au lieu de se démolir mutuellement, ce à quoi ils risquent bien de parvenir.
Il y a beaucoup d'Américains et de gens dans le monde qui voient en Obama la rédemption de l'Amérique et le remède miracle contre l'antiaméricanisme. C'est vrai. Mais le symbole qu'il représente ne suffira pas s'il n'applique pas la politique censée découler de sa personnalité. Or, en la matière, il n'y aurait pas de grande différence entre M. Obama et Mme Clinton. L'idée qu'il est la jeunesse et l'avenir, qu'elle est le passé et la vieillesse est à la fois mensongère et inutilement cruelle. D'abord, elle n'a pas à rougir de « l'ère Clinton », qui a été prospère, humaine et relativement calme, contrairement à celle de Bush. Ensuite, la candidate est en mesure de, se dispose à, est déterminée à procéder, dans sa politique intérieure et étrangère, aux changements annoncés par Barack Obama, mais pas forcément par ses compétences. Nous croyons qu'il ferait un bon président et qu'elle ferait une bonne présidente ; nous pensons qu'il et elle sont préférables à M. McCain. Nous craignons simplement que, à force d'exalter les vertus d'Obama, l'Amérique, qui n'a peut-être jamais eu un choix aussi superbe à faire, finisse pas se donner McCain comme président.
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