LE PALUDISME a représenté une pression sélective sur la population humaine, qui s'est exercée à des degrés divers. Le potentiel de Plasmodium falciparum à former des rosettes est un phénotype de virulence du parasite identifié. Les rosettes réalisent une obstruction des microvaisseaux, processus clé à l'origine des complications du paludisme. La formation de rosettes varie selon les groupes sanguins, c'est-à-dire selon les déterminants présentés à la surface des érythrocytes. La formation de rosettes est réduite chez les porteurs du groupe O par rapport aux groupes A et B. Mais peu d'attention a été portée à la contribution du système ABO vis-à-vis de la protection contre les formes sévères de paludisme. Alexandre Rowe et coll. ont mené une étude cas-témoins chez des enfants africains. La question posée est : « Quels sont les effets des groupes sanguins ABO sur la formation des rosettes et la gravité du paludisme ? ».
Coma, troubles neurologiques, convulsions...
Les auteurs ont sélectionné une population de 567 enfants maliens. Un typage des groupes sanguins a été réalisé. Les cas de paludisme sévère ont été définis par la présence d'un coma irréversible, d'une anémie sévère, de troubles neurologiques, de crises convulsives répétées, d'une insuffisance rénale et/ou hépatique.
Chaque cas de paludisme sévère a été croisé à un enfant témoin en bonne santé et à un cas de paludisme non compliqué. On a porté une attention particulière aux cas paludisme non aggravés avec une hyperparasitémie (plus de 500 000 érythrocytes infectés par ml de sang), mais sans complication : ils ont un excellent pronostic (mortalité = 0) et peuvent être considérés comme des formes de paludisme non compliqué.
«Nous trouvons que le groupeO est présent seulement chez 21% des cas de paludisme sévère, comparativement à 44-45% des témoins non compliqués ou en bonne santé», indiquent les auteurs.
L'analyse par régression logistique montre que le groupe O confère une protection significative, avec un odds ratio de 0,34 (réduction de 66 %, p < 0,0005), contre les formes graves, menaçantes pour le pronostic vital, mais non contre le paludisme non compliqué, qu'il y ait ou non hyperparasitémie. Il n'y a pas de différences de fréquence du groupe O chez les témoins et les cas de paludisme non compliqués.
La capacité à former des rosettes a été étudiée dans les isolats des parasites des jeunes patients : elle est significativement réduite dans les prélèvements provenant d'enfants du groupe O (p = 0,003).
L'analyse statistique indique une interaction significative entre les groupes ABO de l'hôte, qui tend à confirmer l'hypothèse que l'effet protecteur du groupe O s'exerce par une réduction de la formation de rosettes. Le résultat a ensuite été confirmé en étudiant rétrospectivement des prélèvements sanguins d'enfants kenyans recueillis antérieurement. On trouve le même effet du groupe O sur le risque des cas sévères. Les déterminants AB et O sont présents sur les érythrocytes, mais aussi sur les cellules endothéliales et les plaquettes. Il semble vraisemblable que des isolats de parasites qui se lient à des déterminants A et B sur les érythrocytes pour former des rosettes peuvent aussi lier des antigènes A et B sur d'autres types cellulaires, écrivent les auteurs. Ce qui peut aggraver la séquestration et augmenter le pouvoir pathogène. La fréquence des rosettes varie selon les isolats du parasite. Mais le polymorphisme érythrocytaire O semble réduire le potentiel d'adhésion des érythrocytes infectés par le Plasmodium.
Les auteurs estiment que la pression sélective exercée par le paludisme «peut contribuer à la variation de distribution des groupes ABO chez les humains». Pourquoi n'y a t-il pas davantage de groupes O dans les régions d'endémie du paludisme ? Parce que par ailleurs le groupe O confère une susceptibilité au choléra et à d'autres maladies diarrhéiques, ce qui est une autre pression sélective.
« Proc Natl Acad Sci USA », 30 octobre 2007, vol. 104, n° 44, pp. 17471-17476.
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