Huit ans que le DMP traîne ses guêtres dans les couloirs du ministère de la Santé. Gouvernements, ministres et spécialistes informatiques trépassent, le dossier médical personnel (DMP), lui, passe… d’une main à une autre, progressant au rythme d’un escargot vers un déploiement national qui ne cesse d’être repoussé. Au grand dam des médecins.
Il y a deux décennies, le dossier médical était plus « partagé » que « personnel ». Et au ministère de la Santé, on se décidait tout juste à passer aux choses sérieuses. « À force d’en parler, il faudra bien, ensemble, décider de le faire ! », lançait Jean-François Mattéi en clôture de l’université d’été de la CSMF, à Ramatuelle (Var).
2004 : dossier mal parti, députés mal préparés
Deux ans et un changement de ministre plus tard, un vent d’enthousiasme, bien réel cette fois-ci, souffle à nouveau sur le DMP. Philippe Douste-Blazy est et restera l’un de ses plus valeureux hérauts. Fraîchement nommé en mars 2004, l’optimiste ministre prend les choses en main, dans le cadre de la réforme de l’assurance-maladie : « D’ici à trois mois, tous les médecins auront mis en commun ce qu’ils ont sur chaque malade » et entre 6,5 et 7 milliards d’euros seront économisés d’ici à 2007, explique-t-il. La crainte d’un « Big brother » tétanise certains praticiens mais la communauté médicale se satisfait dans son ensemble de ce nouvel outil de régulation médicalisée, qui limite le nomadisme médical, assure une meilleure traçabilité du patient et facilite la coordination entre professionnels de santé.
Las. Entre ce « dossier mal parti » stigmatisé par les députés de gauche et les « députés mal préparés »
critiqués par la droite, les choses se gâtent. Philippe Douste-Blazy refait les comptes et divise par deux les économies annuelles attendues grâce à l’utilisation du DMP : ce sera finalement 3,5 milliards d’euros.
2005 : Xavier Bertrand décapite la tête pensante du DMP
Moins d’un an après sa prise de fonction, Philippe Douste-Blazy cède sa place à Xavier Bertrand. Tout va rentrer dans l’ordre, assure le nouveau ministre. Ce n’est plus six mais douze expérimentations du DMP qui vont démarrer à l’automne 2005, et le groupement d’intérêt public (GIP) chargé de piloter la mise en place du DMP va procéder à des évaluations à tour de bras, promis.
Pure utopie pour les économistes de la santé, au vu de la masse de problèmes logistiques et techniques qui s’amoncellent. Un médecin sur cinq seulement a accès au haut débit et l’appel d’offres destiné à retenir les hébergeurs est au point mort. Cerise sur le gâteau, la personne en charge du dossier, l’ingénieur des mines Pierre Bivas est débarqué à la tête du GIP-DMP par Xavier Bertrand, excédé par la tournure des événements et la complexification du DMP. Une « erreur de casting » corrigée, mais qui n’aide pas vraiment le DMP à prendre son envol.
160 000 dossiers créés en huit ans
Il faudra attendre mars 2010 pour que le DMP se concrétise pour de bon. Santeos et Atos sont choisis comme hébergeurs par l’ASIP-Santé, née sur les cendres du GIP-DMP, trop embourbé par les aspects de sécurité et de confidentialité. Plus modeste que son prédécesseur, l’ASIP prévoit deux millions de dossiers ouverts pour fin 2011 et un déploiement définitif pour… 2020.
Petite nouveauté : si le médecin n’a pas de logiciel métier DMP-compatible (les problèmes techniques perdurent), il peut ouvrir un DMP « online » sur le site du ministère. Une solution qui ne satisfait guère les professionnels de santé. L’aventure DMP, ils en sont revenus. Aujourd’hui, 160 000 dossiers ont été créés, dont 65 % à l’hôpital et 35 % en médecine de ville. Une preuve que le DMP décolle enfin ? Les deux tiers contiennent déjà « au moins » un document, s’enthousiasme Jean-Yves Robin, directeur de l’ASIP-Santé.
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