Le Quotidien du Médecin- Le groupe de travail de l’Académie d’agriculture que vous avez présidé entre 2008 et 2011 note dans ses conclusions que l’agriculture bio permet de réduire les teneurs en nitrates et pesticides des eaux de surface et souterraines. Quel en est l’intérêt pour notre santé et l’environnement ?
Bernard Le Buanec- Le fait que l’agriculture bio réduise les teneurs en nitrates des eaux n’a aucun avantage pour notre santé. En effet, si les nitrates sont parfois préjudiciables à l’environnement, ils ne sont pas nocifs pour la santé même à des taux supérieurs à la norme de 50 milligrammes par litre. Or aujourd’hui, la teneur en nitrate de l’eau du robinet en France est bien moins importante. En revanche, le fait que les producteurs bio n’utilisent pas de pesticides de synthèse supprime les résidus dans l’alimentation. Dans l’agriculture conventionnelle, certains légumes et fruits en contiennent plus (même si dans plus de 95 % des cas, ils sont en dessous des normes acceptées). En revanche, l’agriculture bio utilise beaucoup de cuivre pour remplacer les pesticides et cela peut avoir des effets néfastes sur la santé et sur l’environnement. Enfin, la non-utilisation de pesticides n’améliore utilement la qualité des eaux de surface et souterraines que lorsque celles-ci dépassent les seuils admissibles en pesticides. Mais elle a un effet négatif sur la production.
La production biologique doit établir un système respectant les cycles naturels des animaux et des végétaux, maintenir un niveau élevé de biodiversité. Mais aussi préserver la qualité naturelle des sols. L’agriculture bio atteint-elle vraiment cet objectif ?
Les producteurs bio utilisent davantage de fumier, d’engrais verts et de composts que ceux de l’agriculture conventionnelle. Ces pratiques améliorent la qualité des sols car elles permettent d’augmenter la vie des micro et méso-organismes (tels que les vers de terre). Pour lutter contre les mauvaises herbes, les agriculteurs bio ne peuvent utiliser d’herbicides. Et doivent souvent recourir au labour ce qui peut, au contraire, abîmer les sols et détruire des méso-organismes.
Quelles sont les limites de l’agriculture bio pour l’avenir ?
À mon sens, sa limite essentielle c’est son niveau de production. En agriculture bio, les rendements sont de 30 à 50 % plus faibles qu’en agriculture conventionnelle. Aujourd’hui, l’agriculture bio atteint 3 % des surfaces cultivées en France. Si elle devait se généraliser, notre production diminuerait et l’environnement serait impacté : il faudrait défricher les forêts et les zones humides pour gagner en surface de production. Car pour produire la même quantité qu’en agriculture classique, les producteurs bio doivent cultiver une surface deux fois plus importante. Les rendements élevés de l’agriculture conventionnelle, ces trente dernières années, ont permis de bénéficier d’une importante reforestation en métropole. Ils sont bénéfiques à l’économie nationale et permettront de faire face à l’augmentation de la production alimentaire mondiale qui sera nécessaire pour nourrir la planète.
*Bernard Le Buanec est le coordinateur de l’ouvrage collectif: Le tout bio est-il possible ? 90 clés pour comprendre l’agriculture biologique. Éditions Quæ, 2012, 240 pages. Léon Guéguen et Gil Kressmann y ont participé.
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