ARTS
La mode depuis le romantisme est aux voyages exotiques. Comme maints écrivains et artistes de l'époque, Manet fera le pèlerinage au Prado pour se tremper dans le climat de la peinture espagnole qui le fascine. Parallèlement, la création, au Louvre, d'une galerie comprenant plus de 400 tableaux (dont Zurbaran, Goya), acquis par Louis-Philippe, permet à toute une génération de découvrir à la fois des thèmes nouveaux et surtout une « manière ».
Manet sera surtout sensible à celle-ci. L'utilisation du noir comme une couleur et surtout le traitement du tableau par la matière et non, comme on l'apprend dans les académies, par une représentation scrupuleuse, voire idéalisée, d'un sujet.
On peut faire remonter aux guerres napoléoniennes l'influence de l'Espagne sur la France avec, pour figure emblématique de ce nouveau regard porté sur la réalité, un Goya qui va dénoncer les « Désastres de la guerre ».
Partagée entre folklore et réalisme noir, la peinture espagnole pénètre dans les milieux artistiques français qui vont y puiser autant que des sujets une façon de traiter le réalisme. On y traque la misère, la violence, une nature hostile, des faits sanglants, un ton tout à fait étranger à la suavité exprimée par la peinture française, si l'on excepte Murillo qui, lui, conforte la peinture dans cet idéal de beauté prônée par Raphaël qui était jusqu'alors la référence absolue de l'art, et l'argument de l'académisme.
Le réalisme de la peinture espagnole va nourrir tout un folklore développé à la suite du romantisme qui y voit une source féconde d'effets pittoresques avec ses mendiants, ses bouffons, ses infirmes et ses martyrs.
La modernité de Manet
Manet tranche vivement sur ce courant et, comme le démontre bien l'exposition, il s'agit moins pour lui de traiter des « espagnolades » que d'aborder la peinture avec cette adhésion profonde, expressive, avec la matière picturale elle-même. Le « faire » l'emporte sur le sujet, et la reconnaissance du noir jusqu'alors rejeté comme couleur, va largement contribuer à un renouvellement de l'art de peindre, lui donnant une profondeur jusqu'alors inconnue, une force dramatique, un espace de mystère qu'elle ignorait.
Curieusement, Manet peignait selon ces nouveaux critères avant son voyage en Espagne, celui-ci n'étant en somme que la vérification d'une vérité qu'il s'était forgée, annonciateur d'une peinture radicalement neuve, d'où, à l'époque, son caractère scandaleux.
S'il le fallait, l'exposition démontre la modernité absolue de Manet qui tire de la peinture espagnole le meilleur de ce qu'elle peut donner. Une force d'expression que la culture des principes académiques avait totalement ignorée sinon refusée.
Le berceau de l'art moderne est bien là.
« Manet-Velazquez, la manière espagnole au XIXe siècle ». Musée d'Orsay. Jusqu'au 5 janvier. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 h à 18 h, le jeudi jusqu'à 21 h 45 et le dimanche de 9 h à 18 h. Entrée 8,5 euros.
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