LE TERME de douleur aiguë qualifie soit une douleur intense, soit une douleur limitée dans le temps ; se surimprimant à un fond de douleur chronique ou survenant isolément. L'utilisation de la morphine a longtemps été réservée à des douleurs dont le diagnostic était avéré ou à des douleurs persistantes et/ou chroniques, particulièrement dans le contexte du cancer. La simplification du maniement des morphiniques, avec la libéralisation de la législation et la multiplication de leurs formes disponibles, a modifié les habitudes et les règles de prescription, y compris dans la douleur aiguë non cancéreuse. Un ouvrage collectif rédigé sous la direction du Dr Louis Brasseur et du Pr Richard Trêves* propose une synthèse de l'utilisation de la morphine dans différentes situations de douleurs aiguës, médecine de ville et urgence, rhumatologie, postopératoire, pédiatrie et gériatrie.
Pharmacocinétique et propriétés pharmacologiques.
La connaissance de la pharmacocinétique et des propriétés pharmacologiques de la morphine, avec leurs variations dans diverses situations, de ses différentes formes de commercialisation, chlorhydrate et sulfate de morphine, de ses effets indésirables et de son maniement en pratique, permet une utilisation raisonnée de ce médicament. Le risque toxicomanogène ne saurait être un obstacle à la mise en oeuvre du traitement chez un patient qui a une douleur sévère.
Différents spécialistes analysent autant de situations et de contextes de prescription, du sujet âgé à l'insuffisant rénal, en passant par la femme enceinte, l'enfant ou le toxicomane, en rappelant et en détaillant l'importance de la titration, du choix de la molécule, la gestion des effets secondaires.
Situation complexe parmi d'autres, l'insuffisance rénale : une bonne connaissance de la fonction rénale des malades auxquels est prescrite de la morphine est indispensable, comme le rappelle le pharmacologue François Chast (Hotel-Dieu, Paris). L'utilisation de la morphine chez l'insuffisant rénal doit être extrêmement prudente du fait de l'accumulation du produit à l'origine de manifestations toxiques parfois redoutables. L'insuffisance rénale décuple la demi-vie d'élimination de la 6 glucuronyl-morphine, principal métabolite de la morphine ; la morphine reste néanmoins utilisable, mais avec une surveillance accrue et le strict respect des règles de bon usage, en commençant par une titration, avec une forme à libération immédiate, ou une forme liquide de chlorhydrate de morphine, avec une posologie modérée (10 mg deux fois par jour, par exemple) en augmentant très progressivement les doses.
Deux schémas.
Toutes les situations de prescription de la morphine ne sont pas aussi difficiles. Chez l'adulte sans facteur de risque particulier (âge, insuffisances rénale et respiratoire), souffrant, par exemple, d'une névralgie cervico-brachiale hyperalgique, d'une douleur dentaire ou encore d'un zona au tout début (composante nociceptive de la douleur), la prescription qui n'excède pas en général une semaine peut obéir à deux schémas : soit une forme de morphine à libération prolongée (LP 30 mg matin et soir, par exemple), avec, si besoin, une ou plusieurs prises à 4 heures d'intervalle de morphine à libération immédiate (LI 10 mg), puis réajustement de la morphine LP à 24 ou 48 heures ; soit de la morphine LI toutes les 4 heures ou plus souvent en cas de besoin, puis réévaluation à 24 heures, avec prescription secondaire de morphine LP. Toute prévision de la dose efficace étant quasi impossible tant la variabilité est différente d'un malade à l'autre. Rappelons que, dans tous les cas, la prescription de morphine doit impérativement s'accompagner d'explications, de correction des effets secondaires éventuels, comme des idées erronées sur ce médicament.
« Utilisation de la morphine dans les douleurs aiguës », institut Upsa de la douleur. Ouvrage disponible par téléchargement sur le site : www.institut-upsa-douleur.org.
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