DEPUIS UNE vingtaine d’années, les connaissances acquises dans le domaine de la biologie des cancers ont permis de mieux cerner les caractéristiques de la cellule tumorale et les modifications induites par les tumeurs sur leur microenvironnement. En particulier, des approches pharmacologiques ayant pour cible des protéines activées dans la cellule tumorale ont été rendues possibles par l’identification des molécules et des voies de régulation impliquées au cours des processus néoplasiques.
Les cibles de ces traitements peuvent être des facteurs de croissance, leurs récepteurs, la cascade de leur signalisation, des néoprotéines transformantes (protéines de fusion ou protéines altérées), ou des protéines normales qui sont dérégulées dans l’environnement cellulaire tumoral.
Des pistes thérapeutiques ont été envisagées dans des directions variées (1), de la prolifération tumorale au microenvironnement des tumeurs (stroma vasculaire, cellules immunocompétentes...), en passant par la mort cellulaire programmée (sensibilisation à l’apoptose).
De la membrane jusqu’au noyau cellulaire.
Le champ d’investigation le plus important concerne actuellement les médicaments qui ciblent les signaux de la membrane jusqu’au noyau, c’est-à-dire les très nombreux inhibiteurs de kinases. Il apparaît actuellement intéressant de recourir à des produits ciblés dont la spécificité est forte, et de les utiliser en association, dans le cadre de protocoles de recherche clinique. Un exemple de ces possibilités thérapeutiques nouvelles est fourni par l’administration d’anticorps monoclonaux et d’inhibiteurs de kinases spécifiques (2). Il est en effet possible de chercher à inhiber le signal de l’angiogenèse émis par le Vegf (Vascular Endothelial Growth Factor), sécrété par les cellules tumorales, de deux manières différentes. En premier lieu, en bloquant la protéine par un anticorps monoclonal. Ces molécules ont une dénomination commune en « -mab ». Une autre voie consiste à inhiber le site tyrosine kinase du récepteur au Vegf par des petites molécules, inhibiteurs enzymatiques de la phosphorylation. La dénomination commune de ces molécules se termine en « -tinib ». Récemment, plusieurs essais de phase I ou II ont par exemple évalué l’association bevacizumab plus erlotinib et ont mis en évidence une activité antitumorale prometteuse.
L’utilisation de médicaments très actifs mais dont la faible spécificité permet d’agir sur de multiples cibles est une autre piste porteuse d’espoir. Les produits vont ainsi être actifs sur plusieurs enzymes (kinases en particulier), jouant un rôle dans la vascularisation tumorale, la prolifération, l’apoptose, la migration ou encore l’invasion. S’ils présentent une toxicité un peu plus forte, leur spectre d’activité est plus large. C’est par exemple le cas du sunitinib, du dasatinib ou d’autres molécules encore en développement. La nouveauté est que l’on commence à tester des associations de médicaments ciblés, entre eux ou en synergie avec des cytotoxiques classiques, et que l’on a à disposition des médicaments multispécifiques dont l’activité est attestée parfois par une nécrose tumorale massive.
Des effets multiples.
Parmi les autres nouveautés de cette année, de grands essais cliniques ont montré que le trastuzumab, qui est actif sur la prolifération en bloquant le récepteur HER2, prévient également la survenue de métastases dans certains cancers du sein. Cela signifie que le récepteur HER2 est doté de fonctions multiples. Le bevacizumab, un anticorps anti-Vegf qui cible un facteur de croissance vasculaire, a des effets bénéfiques associé aux cytotoxiques sur des cancers aussi variés que ceux qui affectent le rein, le côlon, le poumon, le rectum ou le sein par exemple. Cette efficacité concerne la réponse clinique, c’est-à-dire la régression de la taille de la tumeur, mais également la survie.
L’effet de cette molécule déborde ainsi largement du cadre de son rôle vasculaire sur le Vegf au niveau des cellules endothéliales pour cibler la prolifération tumorale, l’apoptose et le potentiel métastatique.
D’après un entretien avec le Pr Fabien Calvo, centre d’investigations cliniques, Laboratoire de pharmacologie et Inserm U716, hôpital Saint-Louis, Paris.
(1) Calvo F. Bruzzoni-Giovanelli H. Nouvelles cibles moléculaires dans les traitements des cancers. « Chimie et santé publique » 2003 ; 149-155.
(2) Maione P. et coll. Combining targeted therapies and drugs with multiple targets in the treatment of NSCLC. « The Oncologist » 2006 ; 11 : 274-284
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