DOIT-ON RÉANIMER à titre systématique les enfants à la naissance quels que soient leur âge gestationnel et leur poids, suivre l’évolution en unité de néonatalogie et se réserver la possibilité d’interrompre les soins en cas de signes laissant présager une évolution défavorable ou un handicap futur ? Cette stratégie est adoptée dans la plupart des centres de périnatalogie aux Etats-Unis : on réanime l’enfant quel que soit son âge gestationnel ou son état clinique jusqu’à ce que l’on ait la certitude que la poursuite du traitement n’est pas bénéfique pour lui, voire même nuisible. Une «démarche apparemment séduisante», soulignent les Prs Bernard Salle et Claude Sureau dans un rapport qu’ils ont présenté à l’Académie nationale de médecine au nom du groupe de travail sur « le prématuré de moins de 28 SA, sa réanimation et son avenir ».
Ce type de prise en charge permet de s’affranchir de la subjectivité individuelle lors de l’évaluation de l’enfant en salle de naissance, mais, notent les deux académiciens, «elle sous-entend que l’on puisse disposer d’outils efficaces et sûrs pour juger de l’évolution future des nouveau-nés, ce qui n’est pas démontré actuellement».
De 0,4 à 0,5 % des naissances vivantes.
Contrairement aux Etats-Unis, la prise en charge de l’extrême prématurité, c’est-à-dire des enfants de moins de 28 semaines (ou moins de 1 000 g), ne fait pas, en France, l’objet d’un consensus. Le rapport de l’académie tente de faire le point sur cette question qui concerne chaque année de 0,4 à 0,5 % des naissances vivantes. L’amélioration des techniques de soins intensifs conjuguée à celle de l’obstétrique et de l’anesthésie a transformé le regard sur l’enfant à naître. Des progrès qui, aujourd’hui, permettent de maintenir en vie des prématurés d’âge gestationnel de plus en plus bas – la mortalité à moins de 28 SA est de l’ordre de 25 à 30 %, mais au prix de séquelles importantes qui handicapent la vie de l’enfant survivant et celle de son entourage, ses parents et sa fratrie. «La leucomalacie périventriculaire illustre parfaitement cette situation de crainte d’une survie avec un handicap plus ou moins sévère», note le rapport.
La limite de viabilité est fixée aujourd’hui en France à 25 semaines révolues (700 g) et certains services refusent de prendre en charge les prématurés en deçà de cette limite. Lorsque l’accouchement est rapide ou inopiné, l’état de l’enfant pendant la première demi-heure suivant la naissance engage les décisions de l’équipe néonatale. La réanimation initiale n’est pas poursuivie au-delà de 15 à 30 minutes si les chances de survie sont inexistantes ou si elles laissent présager de lourdes séquelles.
En unité de néonatalogie, d’autres questions se posent pour les enfants qui ont survécu, notamment celle de l’arrêt de la réanimation en cas de complications cérébrales importantes qui entraîneront des handicaps sévères. Dans ces situations, le Comité consultatif national d’éthique estime que «l’arrêt médicalisé de vie est une transgression évidente à la loi», mais il considère que «si l’on ne peut pas l’approuver, au moins doit-on la comprendre». Quant aux déficits moteur, sensoriels ou cognitifs, ils sont fréquents, mais difficiles à prédire.
Dans ses recommandations, l’Académie nationale de médecine maintient la limite de 25 semaines d’aménorrhée. Mais reconnaît qu’il est «difficile de fixer une limite arbitraire et irréversible de viabilité». Toute amélioration technique ou thérapeutique devra «faire réviser l’attitude de l’équipe obstétricale et néonatale sur la prise en charge de prématurés de moins de 25semaines».
Après 25 SA, l’expérience médicale et les données de la littérature justifient la mise en oeuvre de soins destinés à favoriser la survie du prématuré en salle de naissance, puis en unité de néonatalogie. Néanmoins, précise le rapport, «il est indispensable de toujours tenir compte, avant la naissance, du contexte familial (âge de la mère, parité) , de la compréhension des difficultés que les parents vont avoir à surmonter, de leur niveau culturel et social, de leur religion, de la capacité morale et matérielle de la famille et, enfin, de la fratrie». Si les conditions sont réunies, il faut alors «tout tenter pour sauver la vie d’un tel prématuré», en évitant l’acharnement thérapeutique «si les traitements entrepris viennent à être disproportionnés par rapport au bénéfice attendu en termes de durée et de qualité de vie». Les complications survenant à la naissance ou pendant l’hospitalisation et qui compromettent le pronostic à long terme «doivent conduire à l’interruption des soins en acceptant l’éventualité de la mort et en la rendant la moins douloureuse possible». Les décisions d’interruption de soins doivent rester d’ordre médical et nécessitent la concertation de l’équipe. L’information, l’opinion et l’accompagnement des parents sont nécessaires. Ils doivent adhérer à la décision médicale sans éprouver de culpabilité. «Il serait souhaitable qu’un document général précisant les motifs d’arrêt de réanimation soit disponible au sein du service de néonatalogie», précise le rapport. Il n’est pas admissible, lors de l’arrêt, que l’enfant subisse une agonie prolongée. Le rapport préconise l’administration de médicaments sédatifs pour éviter toute souffrance en phase terminale.
Pas de réanimation systématique.
A 25 semaines et avant, les séquelles sont importantes et plus fréquentes chez les survivants (> 30 %). A moins de 23 semaines, l’enfant n’a aucune chance de survie, selon les données de la littérature. Le rapport souligne qu’il n’existe pas pour l’heure de consensus en Europe et en France sur le maintien en vie d’un prématuré de moins de 25 SA en toutes circonstances. Pas de réanimation d’attente systématique, donc, et une décision qui doit rester «individuelle, fondée sur l’expérience de l’équipe obstétricale et néonatale» en fonction de leurs résultats et des données anamnestiques . Les parents doivent être informés et avoir donné leur accord. Si la réanimation a été décidée et qu’elle se révèle efficace, l’équipe doit tenir compte des complications survenant en cours d’hospitalisation et doit adapter sa conduite.
Le rapport préconise le suivi neurologique et du développement des enfants par une équipe pluridisciplinaire.
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