L'ANNONCE DU MINISTÈRE de l'Enseignement supérieur de nommer huit enseignants associés de médecine générale lors d'une réunion du Conseil national des universités (CNU) a abattu les responsables de la discipline.
«Cette décision est incompréhensible, commente le Dr Vincent Renard, président du Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG). C'est tellement discordant avec les discours que nous tient la ministre de l'Enseignement supérieur depuis des mois.» Le syndicat dénonce un décalage entre les annonces et les actes. Le 29 janvier, Valérie Pécresse prenait la parole à l'Assemblée nationale pour souligner l'immense avancée constituée par la loi créant le corps d'enseignants de médecine générale. «Je peux vous assurer que cet effort inédit sera prolongé jusqu'à rétablir un ratio équilibré entre le nombre d'enseignants et le nombre d'étudiants suivant leurs formations», affirmait-elle. Trois mois plus tard, les responsables de l'enseignement de la médecine générale vivent comme un désaveula nomination de seulement huit associés correspondant à trois équivalents temps plein. Les départements de médecine générale rencontrent de plus en plus de difficultés pour assurer l'ensemble de leurs missions. «Il y a 134 enseignants associés de médecine générale pour 6000 internes en DES. Le ratio enseignants/étudiants est dix fois inférieur à celui de toutes les autres disciplines», déplore le Dr Renard. Le SNEMG demande depuis plusieurs semaines la nomination de cinquante postes par an pendant trois ans. Le syndicat espère maintenant un plan de rattrapage d'une quarantaine de postes pour la spécialité. «Les équipes n'en peuvent plus, affirme le Dr Renard, des enseignants commencent à démissionner (voir ci-dessous) , des étudiants se détournent en masse de la discipline. Si les promesses et les engagements ne sont une fois de plus pas tenus, nous appellerons les enseignants à stopper certaines tâches qui sont démesurées dans ce contexte de pénurie.» Les généralistes enseignants pourraient ne pas accompagner la mise en place du stage de médecine générale pendant le second cycle ou ne plus organiser les jurys de validation des DES de 2 000 internes de la discipline.
Le gouvernement tente de calmer le jeu.
Lors de la réunion qui s'est tenue au CNU, le ministère de l'Enseignement supérieur a renouvelé pour trois ans le contrat de quatre professeurs associés. Dix maîtres de conférences ont été promus professeurs. Enfin, dix enseignants sur cinquante-deux candidats ont été nommés à des postes de maître de conférences associé, dont dix en remplacement des départs (retraite, décès, démission). «L'argument avancé par le ministère de l'Enseignement supérieur est avant tout d'ordre budgétaire», confie le Pr Jacques Beylot, président de la sous-section 53.01 dont dépend la médecine générale. Selon le responsable universitaire, la situation de certains départements de médecine générale est «fragilisée». Il est indispensable, selon lui, de prévoir l'avenir de la discipline. «Vingt-cinq pour cent de ces 134 enseignants associés ont plus de 60ans et 64% ont plus de 55ans, commente le Pr Beylot ; il y a urgence à agir pour cette filière. Il lui faut des enseignants dédiés, un statut et une rémunération pour leur travail universitaire et de soins.» Dans l'entourage de la ministre de l'Enseignement supérieur, on trouve la réaction des généralistes enseignants disproportionnée. «Cette année, il n'y a eu aucune création de poste de professeur en médecine et en chirurgie, mais nous venons en revanche de créer huit nouveaux postes d'associé après en avoir ouvert huit en juin, confie un proche de Valérie Pécresse. Cela s'inscrit dans la suite de la loi créant un corps d'enseignants pour la médecine générale que nous avons fortement soutenue.»
On estime, rue Descartes, qu'il serait «ridicule de créer davantage de nouveaux postes d'enseignant associé alors que l'on va créer des postes de titulaire». La médecine générale n'est pas «un parent pauvre de l'université» selon le ministère de l'Enseignement supérieur, qui en veut pour preuve les avancées concernant le décret sur le statut des professeurs de médecine générale. Celui-ci fera l'objet d'une nouvelle réunion le 23 avril.
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