DU GREC Alcméon de Crotone, au VIe siècle avant J.-C., à la cardiologie d'aujourd'hui en passant par l'Anglais William Harvey au XVIIe, la compréhension de la physiologie de ce muscle vital a exigé des contributions aussi géniales que variées.
Et réalisé une aventure géographique et culturel exemplaire : savoir médical gréco-romain (Hippocrate, Galien) transmis aux Arabes grâce aux Syriaques au VIIIe siècle, Occident médiéval pénétré par le savoir gréco-arabe via l'Italie des rois normands et l'Espagne de la Reconquista aux XI et XIIe, diffusion et progression du savoir dans les universités du monde chrétien occidental.
L'auteur dit de son travail qu'il est «une réflexion sur les causes qui contribuent au développement ou à la régression de la science à partir de la découverte de la circulation sanguine».
De fait, son analyse du contexte historique dans lequel a évolué la pensée médicale et scientifique focalisée sur la circulation sanguine est édifiante. A la fois chroniques d'une découverte sur 2 500 ans et histoire des civilisations, cette circulation apparaît bien n'être pas seulement celle du sang, mais aussi celle des idées et des cultures.
L'histoire de la petite et de la grande circulation apparaît emblématique des échanges entre Orient et Occident, entre les deux rives de la Méditerranée, des obstacles posés à la recherche de la rationalité par la pensée religieuse, ou au contraire de sa contribution.
Au terme de ses observations et analyses, François Boustani dégage un certain nombre d'impératifs à la progression de la science : une politique favorable capable d'attirer les élites savantes et de leur procurer moyens et cadre de travail (pour exemples, Ptolémée Sôter pour la bibliothèque d'Alexandrie, Napoléon Bonaparte pour l'école de Paris) ; des écoles et pépinières cosmopolites de scientifiques à qui l'on laisse le loisir de travailler de façon indépendante (la période arabe des califes abbassides ou l'école espagnole au temps d'Alphonse X et bien d'autres).
Rationalisme contre obscurantisme.
Ce cadre, indispensable mais non suffisant, doit aller de pair avec la liberté de la rationalité, avec celle de l'observation et de l'expérimentation. L'histoire de la circulation du sang en est une parfaite illustration : l'éclosion d'une pensée scientifique de qualité nécessite la séparation de la science et de la théologie.
Aucune des religions monothéistes ne semble avoir échap-pé à un moment de son histoire à la dualité des courants opposés, ouverture et rationalisme contre obscurantisme, souligne François Boustani.
Pourtant, aucune des religions monothéistes ne peut prétendre au monopole de la science ; l'histoire de la science se confond avec celles des hom-mes, et «l'Occident chrétien actuellement triomphant devrait se remémorer la part de cet héritage oublié qu'il doit à la civilisation arabo-musulmane et ne pas confondre islam et islamisme». Les leçons à tirer de l'histoire de nos connaissances de la physiologie cardio-vasculaire sont donc tout à fait d'actualité.
François Boustani, « la Circulation du sang - Entre Orient et Occident, l'histoire d'une découverte », éditions Philippe Rey, 272 pages, 22 euros.
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