L E phénomène est préoccupant : une néphropathie diabétique apparaît chez environ 40 % des diabétiques de type 2 et est devenue la principale cause d'insuffisance rénale terminale en Europe, au Japon et aux Etats-Unis, représentant entre 25 et 42 % des cas.
Les chiffres américains sont alarmants : la prévalence et l'incidence de l'insuffisance rénale terminale sont le double de ce qu'elles étaient il y a dix ans. La néphropathie liée au diabète de type 2 explique presque à elle seule cette augmentation. Si cette tendance persiste, environ 175 000 nouveaux cas d'insuffisance rénale terminale seront diagnostiqués en 2010 aux Etats-Unis. Et puisque le nombre de transplantations stagne, la majorité des patients se retrouveront en dialyse, avec le coût que cela représente pour la société.
C'est dire si l'identification précoce et le traitement rénoprotecteur des patients à risque sont de toute première importance.
On sait que l'interruption du système rénine-angiotensine (inhibition des effets de l'angiotensine II) ralentit la progression de la néphropathie dans le diabète de type 1, mais on dispose de peu de données sur le diabète de type 2.
C'est dans ce contexte que trois équipes ont évalué des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (des sartans) ; le « New England Journal of Medicine » a choisi de publier simultanément les résultats de ces trois études.
L'une concerne l'atteinte rénale précoce : microalbuminurie (mais taux de filtration glomérulaire normal) chez des diabétiques de type 2 hypertendus. Les deux autres portent sur des patients ayant déjà une franche protéinurie et une insuffisance rénale installée.
Au stade précoce de la microalbuminurie
L'équipe de Parving (groupe d'étude « Irbesartan in Patient with Type 2 Diabetes and Microalbuminuria ») a évalué l'effet de l'irbésartan (antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II) chez 590 patients hypertendus ayant un diabète de type 2 et une microalbuminurie. Dans ce travail international (96 centres), randomisé, en double aveugle contre placebo, les patients ont reçu des doses quotidiennes d'irbésartan de 150 mg ou de 300 mg et ont été suivis pendant deux ans. L'objectif prioritaire de l'étude était la date de survenue de la néphropathie diabétique, définie par la persistance de l'albuminurie sur les urines de la nuit avec excrétion urinaire d'albumine supérieure à 2 00μg par minute et avec augmentation d'au moins 30 % par rapport au point de départ.
Les caractéristiques de base dans les trois groupes (deux groupes irbésartan, groupe placebo) étaient similaires. L'objectif primaire a été atteint par 10 des 194 patients sous irbésartan 300 mg/j (5,2 %), 19 des 195 patients du groupe irbésartan 150 mg/j (9,7 %) et 30 des 201 patients du groupe placebo (14,39 %) [p < 0,001 et p < 0,08, respectivement].
La pression artérielle a été en moyenne de 144/83 mmHg dans le groupe placebo, de 143/83 mmHg dans le groupe irbésartan 150 mg et de 141/83 mmHg dans le groupe irbésartan 300 mg. Enfin, de sérieux effets adverses ont été moins fréquents chez les patients traités par irésartan. « L'irbésartan est rénoprotecteur indépendamment de son effet sur la pression artérielle chez les patients ayant un diabète de type 2 et une microalbuminurie », concluent les auteurs.
Néphropathie installée
Quant au travail de Lewis et coll. (Collaborative Study Group), appelé « Irbesartan Diabetic Nephropathy Trial », il a porté sur 1 715 patients hypertendus avec néphropathie patente, due à un diabète de type 2. Les patients ont reçu soit de l'irbésartan (300 mg/j), soit un inhibiteur calcique, soit un placebo. Dans les trois groupes, la tension artérielle cible était de 135/85 mmHg. Les trois groupes étaient comparés en ce qui concerne un objectif principal composite : doublement du taux de la créatinine, apparition d'une insuffisance rénale terminale et décès, quelle qu'en soit la cause. La comparaison portait également sur l'apparition d'un événement cardio-vasculaire.
La durée moyenne du suivi était de 2,6 années. Dans le groupe irbésartan, le risque d'objectif composite était de 20 % plus faible que dans le groupe placebo (p = 0,02) et de 23 % plus faible que dans le groupe inhibiteur calcique (p 0,006). En détail, dans le groupe irbésartan : le risque de doublement de la créatinine était de 33 % plus faible que dans le groupe placebo (p 0,003) et de 37 % plus faible que dans le groupe inhibiteur calcique (p < 0,001) ; le risque relatif d'insuffisance rénale terminale était de 23 % plus faible que dans les deux autres groupes (p = 0,07). Ces différences n'étaient pas expliquées par les chiffres tensionnels. Le taux de créatinine est monté de 24 % et 21 % plus lentement dans le groupe irbésartan que dans les groupe placebo (p = 0,008) et inhibiteur calcique (p = 0,02). Enfin, il n'y a pas eu de différence significative en ce qui concerne les décès de toutes causes ni les événements cardio-vasculaires. Conclusion des auteurs : la protection observée sous irbésartan « est indépendante de la réduction des chiffres tensionnels ».
Enfin, la troisième étude, randomisée en double aveugle, conduite par Brenner et coll. (RENAAL Study Investigators), a porté sur 1 513 patients ayant un diabète de type 2 et une néphropathie. Elle a consisté à comparer le losartan (50 mg ou 100 mg une fois par jour) au placebo, en plus du traitement antihypertenseur conventionnel (antagonistes calciques, diurétiques, alphabloquants, bêtabloquants ou agents d'action centrale), cela pendant une durée moyenne de 3,4 ans. L'objectif principal était composite : doublement de la créatininémie par rapport au taux initial, insuffisance rénale terminale, décès. Les objectifs secondaires étaient un composite de la morbidité et la mortalité cardio-vasculaire, de la protéinurie et du taux de progression vers l'insuffisance rénale.
L'objectif primaire a été atteint chez 327 patients du groupe losartan contre 359 du groupe placebo (réduction du risque : 16 % ; p = 0,02) Le losartan a réduit l'incidence du doublement du taux de créatinine sérique (réduction du risque : 25 % ; p = 0,006), du risque d'insuffisance rénale terminale (réduction du risque : 28 % ; p 0,002) mais n'a pas eu d'effet sur le risque de décès. En ce qui concerne la morbidité et la mortalité d'origine cardio-vasculaire, il n'y avait pas de différence entre les deux groupes, mais le taux de première hospitalisation pour insuffisance cardiaque était significativement plus faible dans le groupe losartan (réduction du risque : 32 % ; p = 0,005). Enfin, le taux de protéinurie a diminué de 35 % sous losartan (p < 0,001). Conclusion des auteurs : « Le losartan a conféré un bénéfice significatif chez les patients diabétiques de type 2 avec néphropathie et fut en général bien toléré. »
Accumulation des arguments
Dans un éditorial associé - après avoir rappelé que MICRO HOPE a montré, chez les diabétiques de type 2 avec microalbuminurie, que les IEC procurent une protection cardio-vasculaire et atténuent l'élévation de la protéinurie -, Thomas Hostette (Bethesda) déplore que, « en dépit de l'accumulation des arguments en faveur de leur efficacité, les traitements qui maintiennent la fonction rénale soient sous-utilisés. Les cliniciens et les systèmes de soin devraient être encouragés à faire usage de ces médicaments. Les médicaments qui inhibent le système rénine-angiotensine-aldostérone ralentissent la progression de la maladie rénale ». Précisant que la protection est malgré tout imparfaite, l'éditorialiste ajoute qu'il faut des approches novatrices, de nouveaux traitements et nouveaux essais.
« New England Journal of Medicine » du 20 septembre 2001, pp. 851-860, 861-869, 870-878 et 910-911 (éditorial).
Le couple IEC-spironolactone
Selon un travail australien publié dans le « New England Journal of Medicine », la spironolactone pourrait être utile chez les patients hypertendus dont la protéinurie persiste sous inhibiteur de l'enzyme de conversion IEC).
Les IEC, rappellent Anastasia Chrysostomou et coll. (Royal Melbourne Hospital), ont montré leur capacité à réduire la protéinurie et à ralentir la progression de l'atteinte rénale. Plusieurs études, ajoutent-ils, ont soulevé la possibilité que l'aldostérone elle-même at un rôle dans la progression de la maladie rénale. L'équipe de Pitt a montré que le blocage des récepteurs de l'aldostérone par la spironolactone réduit de façon significative le risque de morbidité et de décès chez les insuffisants cardiaques recevant déjà des IEC.
L'équipe australienne a maintenant cherché à savoir si la spironolactone pourrait agir avec les IEC au niveau du rein pour réduire la protéinurie. Le travail a porté sur 8 patients ayant des maladies rénales variées (dont 5 cas de diabète de type 2) et une protéinurie persistante malgré un traitement par IEC depuis douze mois. Une spironolactone a été ajoutée à la dose de 25 mg par jour et la protéinurie des 24 heures a été mesurée quatre semaines plus tard.
Résultat : on a observé une réduction de 54 % de la protéinurie qui, après introduction de la spironolactone, est passée de 3,81 ± 2,5 g/j à 1,75 ± 1,02 g/j. Ce bénéfice ne peut être expliqué par un effet sur la pression artérielle puisque celle-ci n'a pas varié avant et après introduction de la spironolactone. De même, la clairance de la créatinine n'a pas bougé.
« Nous avons montré que le blocage spécifique de l'aldostérone par la spironolactone entraîne une réduction de la protéinurie. Bien que le nombre de patients de notre étude soit petit, les résultats suggèrent qu'un traitement par spironolactone pourrait être utile chez les patients qui ont une protéinurie avec atteinte rénale, et qui ont toujours une protéinurie après traitement par un IEC », concluent les auteurs.
« New England Journal of Medicine » du 20 septembre 2001, pp. 925-926 (lettre).
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