DE NOTRE CORRESPONDANTE
REVENONS un an et demi en arrière, quand l'équipe de Yamanaka (université de Kyoto) réussissait à reprogrammer des cellules de la peau de souris (des fibroblastes prélevés sur la queue) en cellules souches pluripotentes ; les chercheurs avaient introduit dans le génome des cellules, grâce à un vecteur rétroviral, une combinaison de 4 gènes codant des facteurs de transcription (Oct4, Sox2, c-myc et klf4).
Il y a deux semaines, les équipes de Yamanaka et de Yu et Thomson (université du Wisconsin, Madison) annonçaient dans « Cell » et « Science » avoir reproduit cet exploit sur des cellules de peau humaine (« le Quotidien » du 23 novembre 2007).
Ces cellules, appelées cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS), ressemblent de très près aux cellules souches embryonnaires (sur le plan génétique, épigénétique et du développement) et peuvent notamment se différencier en n'importe quelle cellule spécialisée.
Une première preuve de principe de l'usage thérapeutique de ces cellules iPS est maintenant apportée par l'équipe de Rudolf Jaenisch du Massachusetts Institute of Technology (Cambridge), dans un modèle souris humanisé de la drépanocytose.
Dans ce modèle animal développé par Tim Townes et coll. (université d'Alabama, Birmingham), des souris ont leur gène alpha-globine remplacé par l'équivalent humain, et leur gène bêta-globine, par le gène humain muté dans la drépanocytose (allèle bêtaS). Les souris homozygotes pour l'allèle humain bêtaS (souris hbetaS/hbetaS) développent les symptômes typiques de la drépanocytose, y compris l'anémie sévère due à la falciformation des hématies.
La drépanocytose, une maladie héréditaire de l'hémoglobine présente dans de nombreux pays de l'Afrique intertropicale, est en France une des premières maladies génétiques par le nombre de patients.
Une stratégie thérapeutique en quatre temps.
Dans un premier temps, des fibroblastes prélevés sur la queue des souris adultes drépanocytaires (hbetaS/hbetaS) ont été mis en culture et reprogrammés en cellules iPS – cela a été effectué en infectant les fibroblastes avec un rétrovirus encodant les facteurs Oct4, Sox2 et klf4 et un lentivirus encodant le facteur c-myc.
Les cellules iPS obtenues ont été sélectionnées sur la base de leur morphologie et de l'expression des marqueurs de cellules souches embryonnaires. Afin de réduire ou d'éliminer leur risque tumoral possible, l'oncogène c-myc a été éliminé des cellules iPS par manipulation génétique (infection avec un adénovirus encodant l'enzyme Cre-recombinase qui permet d'éliminer le gène c-Myc).
Dans un deuxième temps, l'anomalie génétique a été corrigée dans les cellules iPS, en remplaçant le gène défectueux par le gène normal via une recombinaison homologue.
Troisième temps : ces cellules iPS corrigées sont amenées à se différencier in vitro en cellules souches hématopoïétiques (selon un protocole de différenciation bien établi pour les cellules souches embryonnaires).
Quatrième temps : trois souris drépanocytaires ont reçu, après irradiation, la transplantation des cellules souches hématopoïétiques obtenues in vitro à partir des cellules iPS autologues corrigées.
Amélioration de tous les paramètres de la maladie.
Après prise de greffe, les trois souris drépanocytaires ont présenté une amélioration de tous les paramètres de la maladie.
«Cela démontre que les cellules iPS offrent les mêmes possibilités thérapeutiques que les cellules souches embryonnaires, sans les problèmes éthiques et pratiques soulevés par la création des cellules souches embryonnaires», commente dans un communiqué le Pr Jaenisch.
Hanna et coll. « Sciencexpress », 6 décembre 2007.
Des obstacles avant l'utilisation chez l'homme
Avant de pouvoir utiliser ces cellules iPS à des fins thérapeutiques chez l'homme, plusieurs obstacles devront être surmontés, préviennent les chercheurs. Il sera nécessaire de ne pas utiliser des oncogènes* en facteurs de reprogrammation, de ne pas utiliser des vecteurs rétroviraux pour délivrer les gènes car ils font courir le risque de mutagenèse d'insertion, et il faudra développer des protocoles fiables de différenciation pour les cellules iPS humaines.
Enfin, pour le Pr Jaenisch, il est essentiel de poursuivre également la recherche sur les cellules souches embryonnaires malgré les progrès rapides réalisés avec les cellules iPS.
* L'équipe de Yamanaka a réussi à se passer de c-Myc, obtenant une reprogrammation avec trois gènes seulement (« Nature Biotechnology » en ligne du 30 novembre).
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