LES MITOCHONDRIES sont classiquement considérées comme « la centrale énergétique » de la cellule car elles sont fortement impliquées dans la production d'ATP. Elles sont aussi impliquées dans la réduction complète de l'oxygène en eau, un processus complexe qui peut produire des intermédiaires incomplètement réduits, appelés espèces réactives de l'oxygène (ROS en anglais, pour Reactive Oxygen Species). Enfin, les mitochondries ont un rôle fondamental dans la mort cellulaire programmée (apoptose). Elles contiennent en effet des protéines proapoptotiques inactives lorsqu'elles restent confinées dans les mitochondries, mais qui activent les voies biochimiques de l'apoptose quand elles sont libérées dans le cytosol.
S'agissant de nutrition, les mitochondries sont impliquées dans plusieurs situations pathologiques, dans le mécanisme d'action de compléments alimentaires (Dietary Bioactive Agents des Anglo-Saxons), et dans l'utilisation (l'oxydation) des macronutriments.
Parmi les pathologies au cours desquelles les mitochondries sont impliquées figurent le diabète de type 2, le syndrome métabolique et l'obésité, mais aussi les complications des deux types de diabète, le vieillissement et, enfin, le cancer.
Mitochondries, hypoxie, hypercapnie.
La synthèse d'ATP, grâce à l'oxydation des glucides et des lipides, consomme de l'oxygène et libère du CO2. Si, en termes de poids, les lipides sont plus riches que les glucides, en termes de calorie, ils consomment plus d'oxygène, mais libèrent moins de CO2 que les glucides. Les glucides sont donc plus économes en oxygène. Cette notion peut avoir son importance en cas d'effort en haute montagne. Chez les patients en insuffisance respiratoire, il est plus difficile de trancher car si les glucides ont un meilleur rendement énergétique, ils produisent en revanche plus de CO2. Tout conseil dans ce cas doit être pondéré par les capacités de diffusion du CO2 et le risque d'hypercapnie.
De la résistance à l'insuline aux complications du diabète.
Des anomalies mitochondriales ont été constatées au cours du diabète et du syndrome de résistance à l'insuline, sans que l'on puisse toutefois préciser si elles sont la cause de l'anomalie métabolique ou sa conséquence. Par exemple, l'expression des gènes du métabolisme oxydatif est diminuée dans le muscle squelettique des diabétiques de type 2. Cela se traduit au niveau du corps entier par une diminution de la VO2max observée chez les diabétiques, les personnes souffrant d'insulinorésistance, mais aussi chez les apparentés de diabétiques ayant une tolérance normale au glucose.
Concernant les complications du diabète, des données expérimentales solides et convergentes suggèrent que, chez l'animal, les lésions vasculaires induites par l'hyperglycémie sont liées à la surproduction de ROS par la mitochondrie. Ce stress oxydant inhibe partiellement une enzyme de la glycolyse, la glycéraldéhyde 3-phosphate déshydrogénase (GAPDH). En amont de cette enzyme, les métabolites « accumulés » sont orientés vers d'autres voies métaboliques dont les produits sont toxiques pour la cellule.
Les ROS, impliqués dans le vieillissement.
Les ROS ont également été impliqués dans le vieillissement. Les études animales indiquent que le processus de vieillissement dépend essentiellement de deux facteurs : premièrement, de la vitesse de la production mitochondriale de ROS ; deuxièmement, de la résistance des phospholipides membranaires au stress oxydant. La restriction calorique, qui retarde le processus de vieillissement des petits animaux de laboratoire, dont l'espérance de vie est modeste, diminue la production mitochondriale de ROS. Des expériences de restriction calorique sur les primates ont été mises en oeuvre à la fin des années 1980. Les résultats en termes de durée de vie ne sont pas attendus avant les années 2030 à 2035. Ni chez l'Homme ni chez l'animal, il n'existe de corrélation claire entre la vitesse de vieillissement et la quantité d'antioxydant apportée par l'alimentation.
Les effets proapoptotiques.
Un certain nombre de composés présents dans l'alimentation ont des effets proapoptotiques sur les cellules en culture. Il semble, en outre, que ces composés soient plus délétères pour les cellules cancéreuses que pour les cellules normales. Une grande partie de ces composés agissent en perméabilisant les membranes mitochondriales, libérant ainsi les protéines propapoptotiques dans le cytosol. Les composés les plus étudiés sont présents dans le vin, le thé vert ou l'ail. Leur présence dans ces aliments expliquerait en partie les vertus des régimes méditerranéens ou asiatiques. Dans ce domaine passionnant, nous n'en sommes qu'aux hypothèses. Il convient de ne pas brûler les étapes et de rester vigilant vis-à-vis de certaines allégations. Rien en effet ne justifie à ce jour que ces produits soient utilisés en supplémentation.
D'autres composés présents dans l'alimentation comme le coenzyme Q10 et la carnitine sont naturellement présents dans les mitochondries. Ces produits ne sont pas essentiels (l'Homme sait les fabriquer) et on connaît mal leur concentration dans l'alimentation normale. Leur consommation à titre de supplémentation ne bénéficie pas de recommandations et devrait être considérée avec précaution.
D'après un entretien avec le Pr Eric Fontaine, université Joseph-Fourier, Grenoble.
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