LA PRÉVALENCE de la sténose artérielle rénale est estimée à 4 % environ dans une population non sélectionnée d'hypertendus. Elle atteint 7 % chez les hypertendus de plus de 65 ans, et même beaucoup plus en cas d'antécédent coronaire ou cérébro-vasculaire, d'artériopathie des membres inférieurs ou en cas d'insuffisance cardiaque (respectivement, 12, 27 et 34 %) (1). Le seuil habituellement retenu pour être considéré comme responsable d'un retentissement hémodynamique est discuté. Il varie de 50 à 60 %.
L'identification des patients à risque élevé est nécessaire.
Les deux principales causes des maladies des gros troncs des artères rénales sont la sténose athéromateuse, de loin la plus fréquente (environ 90 % des cas), et la dysplasie fibromusculaire (moins de 10 % des cas).
En cas d'étiologie athéromateuse, la progression des sténoses est fréquente, parfois jusqu'à l'occlusion. L'incidence de cette progression chez les hypertendus est globalement de 35 % à trois ans et de 51 % à cinq ans. La fréquence des occlusions est environ de 3 % à trois ans. Dans ce cas, la taille du rein est réduite de 1,8 cm en moyenne (l'atrophie étant définie comme une réduction de plus de 1 cm de la taille du rein). Le potentiel évolutif des sténoses athéromateuses impose une surveillance des artères rénales en cas de découverte d'une sténose modérée, même non significative hémodynamiquement.
En présence d'une fibrodysplasie, la progression des sténoses est moins fréquente et évolue rarement vers l'occlusion ou l'insuffisance rénale, sauf dans les cas peu fréquents de localisation périmédiale de la maladie. En revanche, des complications à type d'anévrysme ou de dissection sont possibles.
L'étude DRASTIC (Dutch Renal Artery Stenosis Intervention Cooperative Study) a montré, chez des sujets hypertendus résistant à une bithérapie ou dont la créatininémie s'était élevée sous inhibiteur de l'enzyme de conversion, que les facteurs les mieux corrélés avec la sténose artérielle rénale étaient la constatation d'un souffle abdominal, une créatininémie élevée, une obésité, un tabagisme et l'âge avancé (2). La prévalence des sténoses supérieures à 50 % est alors de 20 %.
L'écho-Doppler, un excellent outil de dépistage et de quantification.
D'après les données de la littérature, les éléments qui rendent licite le dépistage sont l'âge de début de l'HTA (moins de 30 ans ou plus de 50 chez un homme et 60 chez une femme), le début brutal de la maladie, l'aggravation d'une HTA précédemment bien contrôlée, une HTA résistant à un traitement bien suivi comportant trois antihypertenseurs et une HTA accélérée ou maligne. De même doivent conduire au dépistage, une rétinopathie hypertensive de stade III ou IV, la présence d'un souffle systolo-diastolique abdominal ou lombaire, un oedème pulmonaire récurrent, l'association à d'autres localisations athéromateuses, l'insuffisance rénale aiguë et l'absence de baisse de la pression artérielle sous antihypertenseur, afortiori sous inhibiteur de l'enzyme de conversion ou antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II. C'est le cas également du syndrome néphrotique du sujet âgé, de l'HTA avec hypokaliémie et hyperuricémie, de la constatation d'un rein atrophique ou ayant perdu 1,5 cm de grand axe lors de son suivi échographique.
Différentes technologies ultrasonores sont nécessaires à une bonne exploration. Entre des mains expérimentées, l'écho-Doppler est très performant comparé à l'artériographie. Sa sensibilité est alors de 91 % et sa spécificité de 96 % pour les sténoses supérieures à 60 % (3). Cet examen a ainsi été recommandé pour le dépistage des sténoses artérielles rénales en 2004 par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, et en 2005 dans un document de consensus émis conjointement par l'American College of Cardiology et l'American Heart Association. Dans ce document, la recommandation de l'exploration écho-Doppler a été affectée du grade B et d'un niveau de preuve II, fondée sur des comparatifs randomisés, comme le scanner et l'IRM.
Au total, l'examen écho-Doppler constitue un excellent outil de dépistage et de quantification des sténoses artérielles rénales sur une population ciblée.
Des prérequis techniques, méthodologiques et de pratique de l'exploration sont indispensables. Cet examen non invasif de faible coût peut alors être demandé en première intention et répété dans le cadre de la surveillance des revascularisations.
D'après un entretien avec le Dr Michel Dadon, unité de Doppler-échographie vasculaire, hôpital Saint-Joseph, Paris.
(1) Rossignol P et coll. Prise en charge des sténoses athéroscléreuses des artères rénales. J Mal Vasc 2002 ; 27(1) : 7-11.
(2) Krijnen P et coll. A clinical prediction rule for renal artery stenosis. Ann Intern Med 1998 ; 129 (9) : 705-11.
(3) Motew SJ et coll. Renal duplex sonography : main renal artery versus hilar analysis. J Vasc Surg 2000 ; 32 : 462-71.
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