SI L'ON devait retenir deux chiffres, ce serait peut-être ceux là : à l'âge de 5 ans, un tiers des anciens grands prématurés requièrent encore une prise en charge médicalisée ; 40 % des ex-prématurés présentent une déficience motrice, sensorielle ou cognitive.
Ces données, et d'autres plus descriptives, sont issues des résultats de l'étude française EPIPAGE, publiés aujourd'hui dans le « Lancet ». Cette Enquête éPIdémiologique sur les Petits Ages GEstationnels a été lancée en 1997 par l'unité INSERM 149, coordonnée par Béatrice Larroque. Un travail justifié par le peu d'études de grande ampleur menées en France sur les quelque 10 000 naissances annuelles de grands prématurés.
Neuf régions françaises ont participé, incluant les naissances survenues au terme de 22 à 32 semaines complètes de grossesse. C'est ainsi que 2 382 enfants ont pu être enrôlés à la fin de leur hospitalisation. Ils ont été comparés à 666 nouveaux-nés témoins.
Près de 33 % d'entre eux justifient d'une aide médicale.
A 5 ans, 1 817 des ex-grands prématurés ont pu être examinés (et 396 des témoins). Béatrice Larroque et coll. constatent que, si, globalement, 33 % d'entre eux justifient encore d'une aide médicale ou paramédicale, le terme influe directement sur le recours aux soins. De fait, 42 % de ceux nés entre 24 et 28 semaines en ont besoin, contre 31 % de ceux nés entre 29 et 32 semaines (16 % chez les témoins).
Alors que, sur la totalité de la cohorte, 40 % des enfants enrôlés présentent une déficience au plan moteur, sensoriel ou cognitif, 5 % sont touchés sévèrement, 9 % de façon modérée et 25 % légèrement. Au test des capacités cognitives (équivalent du QI), 32 % des anciens grands prématurés n'atteignent pas 85 % et 12 % demeurent en dessous de 70 % (12 et 3 %, respectivement, chez les sujets contrôles). L'équipe de chercheurs ajoute qu'un risque de sous-estimation n'est pas à négliger, dans la mesure où les difficultés d'apprentissage ont empêché 5 % des enfants d'achever le test.
Au plan moteur, 9 % des enfants sont atteints de paralysie cérébrale (infirmité motrice cérébrale). Un tiers d'entre eux ne marche pas ou uniquement avec une aide. L'atteinte oculaire est la moins fréquente des séquelles avec 1 % de déficiences sévères (moins de 3/10 au deux yeux).
Une relation directe.
Un constat général est fait par les auteurs : les taux de déficience sont d'autant plus élevés que les enfants sont nés prématurément, tant pour les atteintes motrices, que visuelles ou cognitives. A titre d'exemple, ils évoquent la paralysie cérébrale qui touche 12 % des enfants nés à 29 semaines et 4 % de ceux nés à 32 semaines. Selon l'équipe c'est la première fois qu'une étude relève la relation directe entre le terme à la naissance et l'importance de l'atteinte. Ils y ajoutent que «chaque semaine de grossesse supplémentaire permet de réduire le risque de déficience».
Heureusement, la grande majorité des prématurés naît entre 29 et 32 semaines, c'est-à-dire à un terme où l'étude montre un risque minoré à l'âge de 5 ans. D'ailleurs, 60 % des enfants porteurs de déficiences modérées à sévères étaient nés a cours de cette période.
Ces naissances prématurées connaissent une tendance à la hausse au fil des ans. Il faut y voir le rôle des grossesses multiples, des traitements de l'infertilité, des grossesses plus tardives, mais aussi des progrès réalisés dans la prise en charge de la prématurité. Ce qui permet à l'équipe de Béatrice Larroque de conclure que «prévenir les troubles de l'apprentissage associés aux déficits cognitifs dans ce groupe représente un défi pour la médecin périnatale actuelle».
« Lancet », 2008 ; 371 : 787-788 (éditorial) et 813-820.
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