DANS LE CORAN, il est stipulé : «O croyants, le jeûne est prescrit comme il le fut aux confessions antérieures. Ainsi vous atteindrez la piété» (sourate I, 183). Mais il est aussi précisé dans la Sourate II, 185, : «Allah cherche à vous faciliter l'accomplissement de la règle, il ne cherche pas à vous la rendre difficile.» Comme l'explique Abdelhak Nabaoui, aumônier national musulman des Hôpitaux de France, «le ramadan doit être réservé aux croyants pubères en bonne santé et les textes précisent que les croyants malades ne doivent pas pratiquer le jeûne. Mais, encore trop souvent par ignorance, les fidèles ne prennent pas l'avis de leur médecin avant d'entamer le mois de ramadan. C'est pourtant à lui de conseiller le patient et de le convaincre, en cas de besoin, de l'absence d'antinomie entre religion et médecine». Un travail mené à Casablanca (Maroc) et publié dans le « BMJ » en 2004 précise que 58 % des patients sous traitement au long cours modifient leurs prises médicamenteuses au cours des périodes de ramadan.
Pas de sur-représentation aux urgences.
«Dans la mesure où des patients parfois atteints de pathologie chronique pratiquent le jeûne, les médecins pensent souvent que le nombre d'admissions aux urgences de croyants musulmans est majoré pendant les périodes de ramadan. A l'hôpital Avicenne de Bobigny, situé dans une zone à forte densité de population musulmane, nous avons décidé d'analyser la fréquentation du service des urgences pendant quatre périodes de ramadan entre 2003 et 2006, à ces dates, il était pratiqué en période automnale», analyse le Dr Mathias Wargon (Bobigny). Entre 2003 et 2006, 88 patients en moyenne étaient admis quotidiennement aux urgences. La fréquentation moyenne des périodes de ramadan s'établissait à 89,7 passages quotidiens, et, ajusté aux périodes comparables des années précédentes, il n'existe pas de différence significative. «Si cette analyse globale ne semble pas aller en faveur d'une plus grande fréquentation des urgences, il semblerait néanmoins que dans certaines sous-populations, telles que les diabétiques, le ramadan puisse influer sur le risque de complications», continue le Dr Wargon.
Recommandations de l'ADA.
Devant le risque d'hyper- ou d'hypoglycémies et d'acidose lactique des croyants diabétiques en période de ramadan, un groupe de travail de l'ADA (American Diabetes Association) a proposé en 2005 des recommandations spécifiques. «On estime que 43% des diabétiques de type1 et 79% des diabétiques de type2 en moyenne observent les périodes de jeûne dans le monde, soit de 40 à 50millions de patients simultanément. Les diabétiques de type1 peuvent utiliser des insulines ultralentes pour limiter le risque d'hypoglycémie associée à des bolus d'insuline rapide au moment des repas. Il est aussi envisageable de diminuer les doses injectées, ce qui expose néanmoins au risque d'hyperglycémie et d'acidocétose. Dans tous les cas, si un diabétique décide de pratiquer le jeûne, son médecin doit l'aider en lui prodiguant des conseils nutritionnels et en l'incitant à réaliser une surveillance très rapprochée de la glycémie. Le jeûne doit être déconseillé aux patients atteints de complications qui pourraient potentiellement s'aggraver lors de variations trop brusques de la glycémie: insuffisance rénale, complications oculaires ou neurologiques. Pour les diabétiques de type2 sous metformine, sous glinides, voire sous glitazone, le jeûne peut être envisagé, mais lorsque le traitement comprend des sulfamides hypoglycémiants –en particulier de la chlorpropamide–, le risque d'hypoglycémies sévères existe et les patients doivent en être informés.»
British Medical Journal 2004 ; 329 ; 778-782.
Diabetes Care 2005 ; 28 ; 2305-2311.
Chrononutrition et jeûne
Pour limiter l'incidence des troubles métaboliques engendrés par les périodes de jeûne prolongé, le Dr Alain Delabos, chrononutritioniste, fait le point sur l'organisation des repas et les erreurs à éviter. Le repas de rupture de jeune (Iftar) doit être composé de lipides végétaux (oléagineux, olives, amandes, chocolat) que l'on associe à des glucides, à des boissons et de fruits secs ou frais. Le deuxième repas doit âtre abondant, mais léger, afin de faciliter la digestion et le sommeil. Le repas le plus consistant de la journée est celui du matin. Alors que les deux autres repas servent à compenser la perte d'énergie et la déshydratation causée par le jeûne, le troisième repas (Sohour) est préventif : il doit permettre de pratiquer le jeûne sans céder à la soif ou à la faim.
« La Chrononutrition spécial ramadan », Dr Alain Delabos, éditions Albin Michel.
Un avis ministériel
Pour les oulémas (dignitaires musulmans), référents du ministère des Habous et des Affaires islamiques du Maroc, différentes catégories de croyants malades peuvent suspendre le jeûne si cette pratique risque d'aggraver leur pathologie ou de retarder leur guérison. C'est le cas des femmes enceintes ou allaitantes, des personnes atteintes d'ulcère gastrique évolutif et des épileptiques, dont la maladie n'est pas contrôlée par un traitement (quotidien ou biquotidien). Les oulémas précisent que «tous les malades (patients hypertendus, asthmatiques ou atteints de pathologie neurologique ou psychiatrique...) doivent prendre l'avis de leur médecin avant de jeûner pour ajuster le traitement afin d'éviter les complications».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature