Alors que la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale examine ces 17 et 18 février la proposition de loi de Jean Leonetti et Alain Claeys sur la fin de vie, le « British Medical Journal » (BMJ) publie une étude de chercheurs néerlandais sur l’attitude des médecins à l’égard des demandes d’euthanasie issues de personnes souffrant de maladies psychiatriques, de démence, ou qui sont fatiguées de vivre. Les Pays-Bas ont légalisé en 2002 l’euthanasie et le suicide assisté (EAS) en les encadrant de plusieurs conditions*, sans toutefois poser de restriction en termes de maladies.
Des médecins favorables aux demandes d’euthanasie...
Les médecins peuvent accepter ou refuser une demande d’EAS. Les patients n’ont pas un « droit à l’euthanasie », expliquent les auteurs Eva Elizabeth Bolt et coll. Cette liberté de refuser cristallise le débat aux Pays-Bas, notamment lorsqu’il s’agit de demandes issues de patients souffrant d’une pathologie psychiatrique ou de démence, ou qui sont « fatigués de vivre ».
Aux Pays-Bas, 72 % des patients qui demandent une EAS souffrent de cancer, 19 % d’une autre maladie physique. Les patients sujets de démence représentent 4 % des demandes d’euthanasie, ceux qui se disent las de vivre, sans souffrir de grave maladie, 3 %, et les malades psychiques, 2 %.
Les auteurs ont sondé 2 269 médecins (généralistes, gériatres, et spécialistes), entre octobre 2011 et juin 2012. Quelque 1 456 médecins ont répondu (soit 64 %) : ils ont 50 ans en moyenne, sont à 63 % des hommes, et 55 % ont suivi une formation en soins palliatifs. Près de 80 % (77 %) d’entre eux ont reçu une demande d’euthanasie dans leur vie professionnelle, en particulier les généralistes (93 %, vs 71 % pour les gériatres, et 53 % pour les spécialistes).
La majorité des médecins (86 %) jugent concevable d’accéder à une demande d’euthanasie ; 60 % l’ont déjà fait, 28 % dans l’année même. Seule une minorité (14 %) juge inimaginable de réaliser une EAS.
... surtout pour les cancéreux
Mais l’attitude des médecins varie grandement en fonction de l’origine des souffrances. Ainsi les patients cancéreux ont plus de chance d’avoir l’aval des professionnels. Ils sont 85 % à juger concevable d’accepter une demande d’euthanasie de la part d’un malade souffrant de cancer, 56 % l’ont déjà fait. Ce taux se maintient à 82 % pour les autres pathologies physiques.
En revanche, les médecins éprouvent des réticences face aux autres motifs. Ils ne sont que 34 % à trouver envisageable l’EAS pour les maladies psychiatriques, 40 % pour les démences précoces, 33 % pour les démences avancées avec comorbidités ou sans (29 %) et 27 % pour la lassitude de vivre. Seulement 7 % des médecins ont réalisé une EAS pour un autre motif qu’un cancer ou une grave maladie.
Des réticences morales
L’origine de la souffrance (psychique ou physique) a un rôle décisif dans la prise de décision des médecins, notent les auteurs. La souffrance physique est souvent gage d’accord de la part du professionnel, tandis qu’ils sont plus sceptiques à l’égard de la souffrance psychique, dont le caractère insupportable est sujet à débat.
Les médecins éprouvent aussi des réticences morales. En cas de démences avancées, se pose toujours la question du degré de compréhension qu’a le patient de sa situation. Pour les troubles psychiatriques, savoir si toutes les alternatives thérapeutiques ont été explorées est parfois impossible.
Enfin, les auteurs observent des différences selon le degré de religiosité du médecin et sa spécialité. Les généralistes se montrent les plus favorables (93 %) à satisfaire une demande d’EAS de leurs patients qu’ils connaissent de longue date (contre 87 % pour les gériatres et 74 % pour les généralistes). La formation en soins palliatifs semble n’avoir aucune influence.
* Les souffrances doivent être insupportables et sans espoir d’amélioration, le patient doit formuler une demande de son propre fait, il doit être pleinement informé de son état et de son pronostic, un deuxième médecin doit être consulté, l’absence d’alternatives thérapeutiques raisonnables doit être assurée, et l’acte doit se jouer dans le respect de l’art médical. Le patient doit avoir au moins 12 ans. Un comité d’éthique régional statue sur le bien-fondé de chaque requête.
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