Les députés britanniques se sont prononcés, hier, en faveur de la fécondation in vitro « à trois parents » dans le but d’empêcher la transmission de maladies génétiques grave de la mère à l’enfant, lié à un dysfonctionnement mitochondrial.
Une méthode basée sur le transfert nucléaire
La mitochondrie est un organite qui possède son propre ADN (ADNmt) et joue un rôle central dans le métabolisme énergétique cellulaire. Les mutations de l’ADNmt et de la chaîne respiratoire sont connues pour être associées au développement de maladies neuromusculaires, neurologiques, ophtalmiques, cardiaques, etc. Or, une technique basée sur le transfert nucléaire, mise au point chez l’animal, notamment le singe, par les chercheurs britanniques de Newcastle publiée dans la revue « Nature » en 2010, éviterait la transmission de ces anomalies génétiques. Elle consiste à enlever le noyau d’une cellule de la mère porteuse de la mutation, contenant l’ADN nucléaire et de l’insérer à la place du noyau d’une cellule saine de la donneuse anonyme. Cette cellule ne contient plus l’ADN nucléaire de la donneuse mais celui de la mère ; en revanche, la cellule conserve ses mitochondries saines et donc son ADN mitochondrial. Après fécondation in vitro par le sperme du père, l’œuf contiendra donc trois ADN : un noyau avec le patrimoine génétique maternel et paternel conservé à 99 % et un cytoplasme dans lequel baignent les mitochondries saines de la donneuse anonyme.
Modification de la lignée germinale et non somatique
Bien que cette méthode offre des bénéfices évidents, elle n’en suscite pas moins des interrogations. « Avec cette thérapie germinale, on modifie le génome, on introduit 1 % d’un génome qui vient d’ailleurs et on ne sait pas quel impact cela risque d’avoir », a déclaré le Pr René Frydman, père scientifique du premier bébé-éprouvette français. Selon lui, cette technique n’aurait pas été suffisamment testée. « Je pense qu’il nous manque des données scientifiques pour envisager un passage chez l’homme alors que les alternatives existent pour dépister des maladies rares », a poursuivi le Pr Frydman.
En juillet 2014, le Dr Andy Greenfield, président du groupe d’experts de la Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA), l’organisme britannique responsable en matière de bioéthique, déclarait pourtant, qu’« en trois ans d’étude par le groupe d’experts, aucune preuve n’a suggéré que ces nouvelles thérapies de remplacement mitochondriales étaient dangereuses ».
Le Center for Genetics and Society Alerte, lui, sur une possible modification de la lignée germinale humaine et l’ADNmt de la donneuse sera transmis à toute sa descendance. Autrement dit, des questions éthiques se posent encore quant à l’influence que pourrait avoir cette méthode sur les enfants et les futures générations. « Nous pensons que les parlementaires ont commis une grave erreur et espérons, qu’elle n’aura pas de conséquences désastreuses », a souligné Marcy Darnovsky, directrice du Center for Genetics and Society.
Des questions autour de l’eugénisme
D’autres réactions mettent en garde contre un risque d’eugénisme. Les opposants pointent du doigt les dérives possibles de cette technique, ouvrant la voie à la sélection des bébés. « Une fois cette frontière éthique franchie, une fois actée le fait qu’il est permis de manipuler le génome humain, il deviendra difficile de ne pas franchir les étapes suivantes pour aboutir à un monde de bébés fabriqués sur mesure, un scénario que tout le monde veut éviter », s’insurge David King de l’association Human Genetics Alert. Des experts craignent également que cette technique soit exploitée à l’avenir, pour faciliter les grossesses tardives en rajeunissant les embryons. « Ce qui est sous-jacent, c’est qu’on pourrait l’introduire dans de nombreuses fécondations in vitro pour éviter des échecs alors que les demandes de grossesses tardives sont de plus en plus nombreuses et qu’on cherche désespérément des solutions », a indiqué le Pr Frydman.
Une réglementation s’impose
Près de 2 500 femmes sont atteintes d’une mutation génétique de la mitochondrie au Royaume-Uni et environ 125 nouveau-nés naissent avec un dysfonctionnement mitochondrial chaque année. La décision d’autoriser l’embryon à trois ADN doit encore être validée par la Chambre des Lords, le 23 février prochain. Même si la décision est actée, « la technique ne sera pas disponible dans l’immédiat, a expliqué Sally Cheshire, présidente de la HFEA, dans un communiqué de juillet 2014, la HFEA devra concevoir et mettre en œuvre une procédure pour les établissements hospitaliers qui seront autorisés à pratiquer cette méthode ». Le Royaume-Uni sera le premier pays au monde à autoriser la FIV à « 3 parents ».
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