LE QUOTIDIEN : L’article 9 de la future loi de santé donne la définition d’une salle de consommation à moindre risque et prévoit leur évaluation sur une durée de 6 ans. Comment se déroulera cette évaluation ? Qui seront les opérateurs chargés de diriger ces salles ?
L’évaluation est pour nous très importante. Elle sera financée sur le budget de la MILDECA et menée par une équipe de l’INSERM (unité U912 Sciences économiques et sociales et système de santé supervisée par Patrizia Carrieri N.D.L.R). Un premier volet reposera sur la cohorte Cosinus montée à Marseille, Bordeaux et Paris qui comparera les évolutions en termes d’usage et de comportements et de consommation entre les zones dotées d’une salle de consommation et des zones sans salle.
L’évaluation se focalisera aussi sur la médiation sociale. Ce second volet a commencé à Paris, centré sur le dialogue avec les riverains, les commerçants et les usagers de drogues. Les salles seront confiées à des associations qui s’occupent déjà d’un CAARUD (Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction). Ces salles doivent être adossées à un tel centre pour inciter le public visé à s’y rendre pour y recevoir des conseils puis, progressivement, parvenir à la réduction des risques.
Pourquoi ne pas installer ces salles directement dans les CAARUD ?
Franchir la porte d’une salle de consommation à moindre risque est une démarche tout à fait particulière. Ce dispositif s’adresse à un public très marginalisé qui ne va pas spontanément dans les structures déjà existantes. Si on mettait ces salles de consommation à l’intérieur d’un CAARUD, on ne toucherait pas ces personnes-là.
Pourquoi bloque-t-on autant sur cette idée de salle de consommation à moindre risque ?
D’abord la loi ne le permettait pas. Il a donc fallu faire une analyse réglementaire et juridique. Ensuite, comme dans beaucoup de pays, il n’est pas facile d’admettre ce genre d’établissement où l’on accueille une population très marginalisée que l’on accompagne, en quelque sorte, dans leur consommation de produits stupéfiants.
Il faut un travail de pédagogie et d’explication qui prendra du temps. Il faut expliquer que ce n’est pas une salle de confort. Certains croient encore qu’il s’agira de salles dans lesquelles on pourrait fumer du cannabis. Ce ne sera pas le cas. Des médecins y interviendront, des travailleurs sociaux spécialement formés y assureront des gardes et un numéro de téléphone permettra aux riverains de se renseigner en cas de difficulté. La police est également impliquée pour contrôler le trafic aux abords de la salle et ne pas décourager les usagers.
Quelles sont les autres évolutions à venir concernant le traitement de la dépendance ?
Nous travaillons sur les nouveaux traitements substitutifs. En 2010, L’ANSM a émis un avis favorable sur la buprénorphine injectable pour les patients qui ne supportent pas la méthadone et le Subutex. Nous envisagions aussi l’héroïne médicalisée mais la prescription de buprénorphine injectable est plus simple et est possible au sein d’un CSAPA.
Suite à l’étude Méthaville, la primo prescription de méthadone en ville est en bonne voie. Enfin, il y a le sujet de la naloxone administrée par voie nasale. Il sera important de pouvoir compter sur cette formulation, qui n’est pas encore disponible en France, dans les salles de consommation à moindre risque.
Les médecins sont-ils suffisamment formés ?
Nous collaborons sur ce dossier avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche dans le cadre de la réforme du 3e cycle. Il est prévu de renforcer la formation initiale en addictologie des médecins avec l’ajout de questions d’addictologie à l’épreuve classante.
Dans leur rapport parlementaire sur l’évaluation de la lutte contre l’usage de substances illicites, Anne Yvonne Le Dain et Laurent Marcangeli, avaient des conclusions divergentes au sujet de la possible dépénalisation du cannabis. Quelle est la position de la MILDECA sur ce sujet ?
On ne doit pas avoir une approche purement juridique. Il me paraît plus important de travailler sur les compétences psychosociales, la gestion du stress, le bien-être ou la vie scolaire que d’ergoter sur la loi de 1970. Tous les experts estiment que la consommation des jeunes commence de plus en plus tôt chez des adolescents dont le cerveau est en maturation, avec des concentrations de THC en hausse.
Là où il y a un vrai débat, c’est sur l’efficacité de la politique pénale. La MILDECA et le gouvernement restent sur un cadre juridique inchangé même si nous sommes attentifs aux expérimentations outre Atlantique.
Le rapport Le Dain-Marcangeli dénonce une baisse continue des financements de la MILDECA. La Mission a-t-elle toujours les moyens de faire son travail ?
Nous sommes rattachés au Premier ministre, avec une enveloppe budgétaire contrainte comme l’ensemble des administrations publiques. Nous en prenons acte. Nous avons fait de très gros efforts sur notre gestion et assortissons toutes nos actions d’évaluations pour faire mieux avec moins.
Nous avons revu le mode de fonctionnement de notre dispositif territorial puisque la moitié de nos crédits sont délégués à nos chefs de projet en région. Il est vrai qu’aujourd’hui, on a atteint un seuil et que l’on ne pourra pas beaucoup avancer si notre budget devait, à nouveau, être réduit.
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