Le Pr Jean-Claude Ameisen, que le Président de la République souhaite reconduire, pour un deuxième mandat de deux ans, à la tête du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a été auditionné ce mercredi 26 novembre par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
Le Pr Ameisen a d’abord rappelé la somme de travail fourni par le CCNE ces deux dernières années sur les questions de la fin de vie. Après l’élaboration de l’avis 121 rendu en juillet 2013, le CCNE a organisé la Conférence des citoyens, un panel de 18 Français qui a rendu publiques ses réflexions en décembre 2013.
« L’affaire Vincent Lambert »
En réponse à la demande du Conseil d’État chargé de statuer sur « l’affaire Vincent Lambert », le CCNE a ensuite commis des observations de nature générale, centrées notamment sur la procédure collégiale dans les décisions d’arrêt des thérapeutiques. Et il vient de rendre fin octobre un rapport sur la fin de vie, qui se veut une lecture des attentes des Français sur ce sujet et plaide pour une meilleure prise en compte de leur parole. « Notre réflexion s’est approfondie et élargi » à des sujets comme l’arrêt des soins chez les nouveau-nés, a indiqué le Pr Ameisen.
Le CCNE a par ailleurs rendu sous la présidence de Jean-Claude Ameisen trois avis : sur la mise à disposition des tests rapides d’orientation au diagnostic pour le VIH-SIDA, sur les nouvelles méthodes de séquençage de l’ADN du fœtus à partir d’une goutte de sang prélevé à 8 semaines de grossesse chez la mère, et sur la neuroamélioration.
L’AMP en ligne de mire
Le Pr Ameisen a indiqué que le CCNE approfondit actuellement son travail sur les questions d’éthiques soulevées par le séquençage de l’ADN et se préoccupe de la dégradation de la biodiversité et du changement climatique, qui pourrait faire l’objet d’un symposium international organisé par le CCNE dans le cadre de la conférence sur le climat de décembre 2015.
Le comité réfléchit également à l’assistance médicale à la procréation (AMP) dont il s’est autosaisi. « Il ne s’agit pas de réfléchir séparément à la cryopréservation des ovocytes, à l’insémination artificielle dans un couple de femmes, ou à l’anonymat des donneurs de gamètes, mais de considérer ces questions d’un point de vue général, et de leur appliquer une grille d’interprétation », a expliqué le président de CCNE aux députés.
Cette réflexion donnera lieu à « un ou plusieurs avis publics pas avant le printemps ou l’été 2015 », a-t-il précisé. Interpellé par le député socialiste Olivier Véran sur l’exclusion des homosexuels du don du sang, le Pr Ameisen a estimé qu’un « équilibre complexe » était à trouver entre « la protection pour autrui et le respect de la personne ». Il ajoute : « J’espère une réponse rapide ».
L’international et la pédagogie
La prise en compte de la dimension internationale de ces questions est érigée en priorité. Sur la gestation pour autrui, « on observe une libre circulation des personnes en Europe, et des législations différentes, mais toutes compatibles, selon l’Union, avec la garantie des droits fondamentaux. Comment penser d’un point de vue éthique cette libre circulation et la disparité des législations ? Est-ce une richesse ? Faut-il vouloir une uniformisation ? » s’est interrogé Jean-Claude Ameisen.
Enfin l’approche pédagogique du CCNE sera confortée, par exemple par l’organisation de concert avec les élèves et enseignants de l’École normale supérieure d’un séminaire transdisciplinaire, ouvert au public. « Notre mission n’est pas de penser à la place de la société, mais de lui permettre de mieux réfléchir et de mieux choisir » a insisté le Pr Ameisen. « En France, nous avons l’habitude de réfléchir entre nous. Or si on croise les regards, on parvient à une réflexion à laquelle aucun n’aurait pu arriver seul. C’est le "réfléchir ensemble", qui ne se limite pas à un échange d’idée » a-t-il ajouté.
La députée socialiste et médecin Michèle Delaunay s’est prononcé, au cours de l’audition de Jean-Claude Ameisen, en faveur de la « gestation pour soi » au nom de l’égalité entre les sexes. Selon l’ancienne ministre déléguée à l’autonomie, une partie des inégalités entre hommes et femmes tient à l’agenda biologique. L’utilisation par les femmes - sans problèmes médicaux - de leurs propres ovocytes cryoconservés leur permettrait de modifier leur agenda biologique, a-t-elle argumenté.
Le Pr Ameisen n’a pas souhaité « s’étendre sur le sujet », en raison des travaux en cours, mais a déclaré que, selon lui, l’égalité ne signifiait pas les mêmes droits indépendamment des différences. « Ce n’est pas parce que le cycle reproductif de la femme se rapprocherait de celui de l’homme qu’il faut y voir une amélioration de l’égalité. Celle-ci doit être pensée dans la différence » a-t-il expliqué en substance. Il a enfin indiqué - en regard de l’initiative d’Apple et Google - que ce qui peut apparaître comme une liberté souhaitable peut devenir une contrainte.
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