À la veille de la Journée européenne de sensibilisation à l’antibiorésistance, la ministre de la Santé Marisol Touraine a visité les locaux du laboratoire de chimie médicinale de Janssen France, au Val-de-Reuil, où le chercheur Jérôme Guillemont et son équipe ont mis au point un nouvel antibiotique contre la tuberculose multirésistante chez les adultes, à partir de la bédaquiline, une molécule au mécanisme d’action inédit (voir encadré).
Pour lutter contre l’antibiorésistance, Marisol Touraine a annoncé la mise en place d’un groupe de travail spécial sur la préservation des antibiotiques, s’inscrivant dans le programme mondial One Health. Aucun détail sur sa gouvernance n’a été donné, pas plus que le nom de ses membres ; la ministre a évoqué une « composition variée », avec des « personnalités issues d’horizons différents ». Ce groupe doit rendre ses propositions « pour changer de perspective » à l’été 2015.
Pour un meilleur usage des antibios
La ministre a défini trois axes de travail dont le premier consiste à trouver un modèle économique pour soutenir l’émergence de nouvelles molécules sur des marchés restreints. « Les entreprises créent un antibiotique qui doit servir le moins possible », a indiqué Marisol Touraine.
Le deuxième axe vise à élaborer une stratégie de communication renouvelée à destination du grand public, notamment les plus jeunes et les enfants, alors que le slogan « Les antibiotiques, c’est pas automatique » perd de son efficacité, dix ans après son lancement.
Le dernier axe cible les prescripteurs, praticiens hospitaliers, médecins de ville et pharmaciens, pour qu’ils œuvrent à un meilleur usage des antibiotiques.
La ministre a déploré la reprise de la consommation d’antibiotiques chez l’homme. Selon le rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de novembre 2014, elle a augmenté de 5,9 % depuis 2010 alors qu’elle baissait depuis les années 2000 (-10,7 % entre 2000 et 2013). Le plan d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016 fixait un objectif de réduction de 25 % de la consommation sur 5 ans. « Si nous n’agissons pas, cet objectif ne sera pas atteint. Je suis mobilisée », a réagi Marisol Touraine.
Elle a par ailleurs rappelé les mesures déjà mises en place pour lutter contre l’antibiorésistance, telle que la dispensation des antibiotiques à l’unité, et pour soutenir l’innovation, tel que le crédit impôt recherche, l’encadrement des délais d’éligibilité au forfait innovation (un décret au Conseil d’État les limite à 6 mois), l’accélération de la procédure d’inscription au remboursement des actes innovants, et la convention unique pour simplifier les partenariats en R&D.
La bédaquiline, pionnière dans la lutte contre la tuberculose multirésistante
Jérôme Guillemont a reçu le prix de l’Inventeur européen 2014 pour le développement du nouvel antibiotique Sirturo, autorisé en Europe depuis le printemps pour lutter contre la tuberculose multirésistante. Dans le monde, 9 millions de personnes sont atteintes de tuberculose, 1,5 million en sont mortes, 500 000 nouveaux cas présentent la forme la plus résistante.
Jérôme Guillemont et son équipe ont travaillé sur la bédaquiline dans le laboratoire de chimie médicale de Janssen, spécialisé dans l’oncologie et les maladies infectieuses, sur le campus Maigremont, au Val-de-Reuil.
La molécule, aboutissement de 18 ans de recherche, est la première à lutter contre la tuberculose multirésistante. Elle a été obtenue notamment grâce à un processus unique au monde de chromatographie. C’est une 5e classe d’antibiotiques connue à ce jour.
Aujourd’hui, « le deuxième challenge est de trouver les meilleurs partenaires pour la bédaquiline pour passer de 24 mois de traitement à 9-12 mois et pour réduire la quantité d’antibiotiques pris par les malades, qui peut être actuellement de 4 à 5 grammes », a indiqué Jérôme Guillemont.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature