« Ils ne savent plus ce que la déontologie signifie. » Le Dr Jean Rodriguez, psychiatre à l’hôpital de Montfavet (Vaucluse), est très remonté contre ses confrères de l’Ordre. La chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d’Azur vient de lui infliger un blâme pour non-respect du code de déontologie.
Motifs ? Le psychiatre serait coupable d’avoir établi un certificat de complaisance en faveur d’une salariée (faisant le lien entre sa pathologie et les conditions du travail). La plainte émane du conseil départemental du Vaucluse, lui-même saisi par la société Zôdio (groupe Mulliez) en juin 2013. En cas de récidive, le praticien risque une peine de suspension.
L’affaire remonte à 2011. Une salariée de l’entreprise consulte le Dr Rodriguez en faisant état de harcèlement moral. Le médecin diagnostique un stress post-traumatique et établit un certificat médical puis une lettre à la médecine du travail en décembre 2011 et mars 2012. L’employée est alors déclarée inapte à toute activité. Elle sera licenciée avant d’intenter une action devant le Conseil des prud’hommes, en s’appuyant sur les documents médicaux du Dr Rodriguez.
« Des faits auxquels il n’a pas assisté »
Dans sa plainte, le conseil départemental du Vaucluse reproche au psychiatre hospitalier de décrire des « faits auxquels il n’avait pas assisté » et d’avoir ainsi « méconnu les prescriptions des articles R. 4127-76 et R. 4127-28 du code de la santé publique » relatifs à l’établissement de certificats de complaisance et de rapports tendancieux. Le Dr Rodriguez s’est « [contenté] de rapporter les propos de sa patiente » renchérit la chambre disciplinaire dans sa décision, que « le Quotidien » s’est procurée.
« On me reproche de ne pas avoir été sur place pour constater les faits, mais dans le cas d’un stress post-traumatique, comme c’est le cas ici, le sujet revit le traumatisme de manière répétée. C’est à partir de cela que je peux faire le lien entre la pathologie et ce qui a causé la pathologie », rétorque le psychiatre qui accuse ses juges de mauvaise foi. « Autant m’interdire de faire des diagnostics, ironise-t-il. Si on m’accuse de faire un certificat de complaisance, qu’on fasse une contre-expertise médical pour le prouver. »
Invoquant le code de la santé publique, la chambre disciplinaire ordinale reproche également au praticien d’être « personnellement engagé dans des actions menées au côté d’organisations syndicales ayant pour objet de "combattre la souffrance psychique au travail" ».
La médecine du travail remise en cause
Des accusations que le Dr Rodriguez a réfutées une à une devant la chambre disciplinaire, sans succès (argumentaire publié sur un site de soutien au médecin).
Le psychiatre compte faire appel devant la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, puis saisir le Conseil d’État s’il n’obtient pas gain de cause.
L’affaire intervient après plusieurs autres mises en cause de médecins du travail par l’Ordre, suite à des plaintes des employeurs. En janvier 2014, le Dr Dominique Huez avait été condamné à une peine d’avertissement pour la rédaction d’un certificat rédigé pour un employé de la société Orys.
Depuis plusieurs mois, le Syndicat national des professionnels de santé au travail dénonce une recrudescence de ce genre d’attaques visant la déontologie et le secret médical. « L’objectif est de faire peur aux médecins » déclarait il y a quelques mois le Dr Chevalier, secrétaire générale adjointe du SNPST.
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