Les sénateurs ont adopté en deuxième lecture ce mercredi 3 avril la proposition de loi du groupe écologiste relative à l’indépendance de l’expertise sanitaire et environnementale et à la protection des lanceurs d’alerte. Le texte n’ayant subi aucune modification, le vote est définitif. Les socialistes, communistes, une grande partie du groupe RDSE et 4 centristes ont soutenu la PPL, tandis que l’UMP s’y est opposé.
Une victoire (c’est la première fois qu’une PPL écologiste aboutit à une loi !) et un soulagement pour la sénatrice Marie-Christine Blandin qui se souvient du moment où elle a déposé sa proposition de loi fin août 2012 : « Après l’affaire Mediator, j’avais l’impression de faire un cadeau. Nous avons au contraire reçu un tir de barrage ». L’aspect interministériel (Recherche, Santé, Environnement, Travail) de la proposition provoque des réticences, tout comme la création d’une haute autorité indépendante. La Cour des Comptes suggérait alors la réduction des agences de l’État. « On est parti de loin », répète la sénatrice. « La France est au milieu du gué sur l’indépendance de l’expertise : l’État a du mal à accepter un regard autre sur la décision publique », corrobore le rapporteur Ronan Dantec, vice-président de la commission du développement durable.
Une commission pour veiller sur la déontologie
Texte de compromis, la proposition de loi instaure une commission nationale de la déontologie et des alertes en santé publique et en environnement. Elle a pour mission de veiller aux règles déontologiques de l’expertise. Pour ce faire, elle émettra des recommandations générales, sera consultée sur les codes de déontologie des organismes et identifiera les bonnes pratiques en France et à l’étranger.
Cette commission devra aussi veiller à la bonne remontée des alertes, en définissant les critères de leur recevabilité. Elle pourra être saisie par différents acteurs (gouvernement, parlementaire, association, syndicat, organisme de recherche, Ordre professionnel) et sera chargée d’informer les ministres compétents. Elle pourra aussi consulter les registres que les organismes publics de recherche devront obligatoirement constituer. Elle rendra un rapport annuel au Parlement et au gouvernement.
« Cette commission n’ira pas touiller dans les protocoles, à moins que deux études soient totalement opposées », veut rassurer Marie-Christine Blandin. « Elle n’aura pas de tutelle sur les agences. C’est un regard sur la déontologie », précise la sénatrice.
Cette instance pourrait être placée sous l’égide du Premier ministre. Sa composition devra être précisée par décret. Elle comprendra notamment des parlementaires, des magistrats, des membres du conseil économique, social et environnemental et des personnalités qualifiées. La commission devrait travailler à moyen constant, via une refonte du confidentiel comité de la prévention et de la précaution (CPP), créé en 1996 et présidé par le Pr Alain Grimfeld.
Renforcer le droit d’alerte
Sans aller jusqu’à définir un « statut de lanceur d’alerte », le texte revu par l’Assemblée nationale réaffirme dès l’article premier le « droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information » dont la méconnaissance paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement.
En entreprise, un travailleur peut alerter l’employeur mais contrairement à ce que les sénateurs souhaitaient à l’origine, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ne sera pas seul instigateur d’une enquête. Revu par l’Assemblée nationale, le texte prévoit un examen de la situation par l’employeur et le représentant du personnel au CHSCT. En cas de désaccord, ce dernier pourra saisir le préfet de département. « Grâce à ce système de recours, l’alerte ne pourra plus échapper à la puissance publique », estime Marie-Christine Blandin.
Le texte renforce enfin la protection des lanceurs en stipulant, noir sur blanc, qu’aucune personne ayant émis une alerte de bonne foi ne peut être inquiétée dans sa vie professionnelle.
Vers une culture collective
Les sénateurs écologistes espèrent qu’avec cette loi se déploie une culture collective de l’alerte. « C’est une loi de modernisation de la société française, un outil du dialogue entre la science et la société », lance Ronan Dantec.
« Cette PPL va donner une visibilité aux questions d’indépendance de la recherche », estime Aline Archimbaud, secrétaire de la commission des Affaires sociales. À l’horizon : l’enjeu du financement public des études scientifiques comme gage d’indépendance.
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