En déplacement ce jeudi à Scorbé-Clairvaux, dans la Vienne, Marisol Touraine vient de dévoiler douze engagements pour un « pacte territoire-santé » visant à endiguer la désertification médicale. Les mesures portent sur la formation initiale, l’exercice et les territoires isolés. Tour d’horizon de ce qu’il faut retenir.
Douze engagements mais pas douze travaux d’Hercule ! Le plan contre les déserts médicaux annoncé ce jeudi dans la Vienne par la ministre de la Santé n’est ni très coûteux (environ 50 millions d’euros en année pleine) ni révolutionnaire. Intitulé « pacte territoire-santé », ce plan ne prévoit nulle mesure coercitive ni aide financière massive.
En revanche, il recycle et met en cohérence une batterie de dispositions (dont plusieurs existent déjà mais ne fonctionnent pas) dans trois directions : la formation initiale, les conditions d’exercice et les territoires fragiles.
Surtout, il entend mobiliser (secouer ?) l’administration et la technostructure (les ARS, les directions de CHU...) autour d’objectifs clairs et partagés. « Après l’accord sur les dépassements, nous posons une nouvelle pièce maîtresse de la politique d’accès aux soins. C’est un marqueur de gauche après des années de laisser-faire », avance Marisol Touraine. « Il ne s’agit pas de restaurer l’ordre ancien mais de faire un mouvement de bascule à partir de la médecine de proximité », et non plus de l’hôpital public.
Quatre engagements sont mis en avant. S’agissant des études médicales, « 100 % des étudiants » devront faire un stage en cabinet libéral de médecine générale au cours du deuxième cycle, si possible dans un territoire isolé. L’obligation existe déjà mais elle n’est pas respectée dans les facultés (un étudiant sur deux ne fait pas ce stage).
Deuxième décision : la montée en puissance des bourses d’engagement de service public, un système créé par Xavier Bertrand mais qui « vivote », juge Marisol Touraine. Environ 1500 bourses seront octroyées d’ici à 2017. Le système consiste à octroyer aux carabins et aux internes une allocation mensuelle en échange d’un engagement à s’installer ensuite dans une zone sous dotée.
La troisième mesure est connue (inscrite dans la dernière loi Sécu) : il s’agit de la création de 200 premiers postes de praticiens territoriaux de médecine générale (PTMG) dès 2013, avec un revenu garanti de 55 000 euros annuels qui sécurise l’installation.
Enfin, il y aura désormais dans chaque ARS un... « référent installation » pour les étudiants ou jeunes médecins qui veulent se renseigner. Une sorte de guichet unique à visage humain. « Ce référent ne restera pas dans son bureau à attendre les appels, on va choisir des gens dynamiques et proactifs », promet-on au cabinet de Marisol Touraine.
Là encore, quatre mesures sont exposées.
La première n’est pas un scoop puisqu’il s’agit du développement de la rémunération forfaitaire pour le travail en équipe de proximité (7 millions d’euros de budget en 2013, 30 millions en 2014). Là encore, la loi de financement de la Sécu fixe le cadre, les négociations conventionnelles interpro devront arrêter les modalités (montants, conditions d’éligibilité). Ces forfaits devraient aider à financer la mise en place d’un secrétariat, d’une informatique partagée, d’horaires élargis...
Deuxième idée dans l’air du temps : rapprocher les maisons de santé des Universités (une idée chère notamment aux médecins blogueurs). Il s’agit de faire sortir l’hôpital de ses murs en externalisant dans les maisons de santé la formation, la recherche, l’accueil des internes, le travail des chefs de clinique.
Troisième axe : la télémédecine. Le plan actuel sera relancé en commençant par la dermatologie, spécialité qui se prête bien à cette pratique prometteuse.
Enfin, le gouvernement veut accélérer les transferts de compétence. « On en parle, on le fait jamais », s’impatiente Marisol Touraine qui cite le binôme médecin/infirmier. Une attention toute particulière sera portée à l’ophtalmologie et aux transferts possibles aux orthoptistes, voire, sous conditions, aux opticiens.
Ce troisième volet s’articule lui aussi autour de quatre axes.
Engagement déjà connu, le gouvernement promet dès 2013 de garantir un accès à des soins médicaux urgents en moins de 30 minutes, avec des dispositifs variés. Il pourra s’agir de nouvelles antennes SMUR, de moyens héliportés ou de médecins correspondants des SAMU.
Deuxième mesure : permettre à des professionnels salariés ou hospitaliers de venir renforcer (sans perdre leur statut) des structures libérales, par exemple un jour par semaine. « Ce sera du temps médical mis à disposition », résume-t-on dans l’entourage de la ministre.
Plus délicat, Marisol Touraine veut mobiliser les CHU en leur demandant de contribuer davantage à la réorganisation des hôpitaux de proximité, qui sont des points forts du maillage sanitaire. « Les CHU ont une responsabilité territoriale, ils ne sont pas une tour d’ivoire », justifie la ministre.Il leur sera demandé, par exemple, de libérer vraiment leurs postes d’assistants partagés.
Enfin, mesure plus politique, le gouvernement confirme qu’il confortera et développera les centres de santé (une mission IGAS est en cours), puisque ces structures qui salarient leurs médecins sont souvent implantées dans les territoires fragiles et accueillent des populations précaires.
Convaincue que ce plan « marchera », Marisol Touraine concède qu’« il n’y a pas de réponse magique unique ». Mais grâce à cette boîte à outils, elle relance la bataille contre les déserts dès le début de 2013, en fixant des objectifs de résultat aux directeurs généraux d’ARS. La concertation autour de ces mesures sera ouverte dans chaque département avec les acteurs locaux (élus, médecins...).
En creux, la critique est sévère contre les gouvernements précédents qui ont laissé la situation se dégrader pendant des années. Les ARS ne sont pas épargnées, accusées d’être beaucoup trop passives sur ce sujet sensible. Environ 2,5 millions de personnes vivent aujourd’hui dans un désert médical mais ce sont surtout les nombreux territoires « fragilisés » (médecins vieillissants, départs programmés sans successeur...) qui préoccupent le gouvernement.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature