LA FRANCE fait partie des pays au monde possédant les taux les plus élevés d'utilisation de la contraception : 75 % des femmes en âge de procréer y ont recours. Pourtant, le nombre d'interruptions volontaires de grossesse (IVG) reste stable depuis 1975 : environ 200 000 sont réalisées chaque année. Et 70 % des IVG concernent les femmes de plus de 25 ans.
Les raisons du recours à l'IVG sont multiples : absence de méthode de contraception, ambivalence du désir d'enfant, utilisation incorrecte du contraceptif, mauvaise information, fausses croyances, modification du contexte affectif, contraceptif inadapté… «Nous observons souvent chez les femmes ayant eu une IVG une remise en cause de leur contraceptif», affirme le Pr Philippe Descamps, membre du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et coordonnateur du pôle gynécologie-obstétrique du CHU d'Angers. De fait, d'après une étude récente*, six mois avant l'IVG, 46 % des femmes avaient une contraception fiable, contre 33 % au moment de l'IVG.
«Cette remise en cause de la contraception avant l'IVG, nous l'appelons la “fenêtre de vulnérabilité”. C'est une période durant laquelle les femmes ont décidé d'arrêter de prendre la pilule, de privilégier les méthodes naturelles… Parfois, juste pour se prouver qu'elles peuvent tomber enceinte», constate le Pr Descamps.
Le libre accès en officine de la contraception d'urgence n'a pas non plus modifié le taux d'IVG. Interrogées** sur le sujet, près de la moitié des femmes n'ayant pas eu recours à la contraception d'urgence ne se considéraient pas à risque et 22,4 % pensaient qu'il était trop tard. Face à ces idées reçues, «les médias, les sociétés savantes et les autorités politiques ont un rôle à jouer dans la diffusion de l'information au grand public. Mais ce sont les médecins, les professionnels de santé et les services de planification familiale qui doivent proposer et délivrer une contraception fiable, adaptée au patient, au bon moment et avec les bons mots», souligne le Pr Descamps.
Car, aujourd'hui, les femmes françaises exigent de leur méthode de contraception une grande efficacité et une réponse sur mesure. «La prescription d'une contraception reste avant tout un acte médical. Son instauration nécessite une consultation. Car il faut pouvoir éliminer les contre-indications aux différentes méthodes et rechercher les facteurs de risque, grâce aux examens médicaux, voire paracliniques», indique le Dr Brigitte Letombe, présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM).
De multiples bénéfices.
Outre le fait d'éviter une grossesse, les effets positifs de la contraception sont nombreux. Ils restent pourtant peu connus. «Les méthodes hormonales réduisent, par exemple, la fréquence des infections génitales hautes par leur action sur l'endomètre et sur la glaire cervicale. Elles diminuent aussi le risque d'infertilité ultérieur dû aux salpingites. Elles améliorent la symptomatologie liée aux règles: beaucoup de femmes utilisent une contraception estroprogestative pour réduire le volume de leurs règles. Quant au système intra-utérin hormonal au levonorgestrel (progestatif) , il est aussi indiqué pour le traitement des ménorragies fonctionnelles», assure le Dr Letombe.
Autres bénéfices de la contraception : la réduction de l'acné et de l'hyperpilosité (sous progestatifs à activité antiandrogénique), l'amélioration de la sexualité. Mais aussi la régularisation des cycles et, dans certains cas, la lutte contre le syndrome prémenstruel. Par ailleurs, la contraception hormonale peut agir sur certaines pathologies gynécologiques bénignes. «Le risque d'apparition de kystes ovariens fonctionnels peut être diminué grâce aux estroprogestatifs antigonadotropes. Les contraceptifs peuvent aussi avoir un impact positif sur le volume et l'évolution des fibromes ainsi que sur l'endométriose.»
Enfin, effet bénéfique de taille : les pilules combinées peuvent réduire le risque de certains cancers. «On parle régulièrement de l'augmentation du risque de cancer du sein ou du col de l'utérus. Mais on ne dit pas assez que la contraception estroprogestative peut réduire le risque de cancer de l'ovaire d'environ 40%. Et cela, pendant les trente ans qui suivent l'arrêt du traitement. De même, ce type de contraception peut réduire de 50% le risque de cancers colo-rectaux et de l'endomètre», conclut le Dr Letombe.
* Bajos Human Reprod 2006 ; 21 : 2862-7.
** Moreau Contraception 2005 (71) 202-7.
« Votre vie, votre corps, votre choix »
Parrainée par la chanteuse et actrice américaine Kelly Osbourne, la 1re Journée mondiale de la contraception prend la forme d'une campagne d'information et de prévention, avec pour slogan « Votre vie, votre corps, votre choix ». Elle est organisée par la Société européenne de contraception (ESC), différentes organisations non gouvernementales, ainsi que par le Laboratoire Bayer Schering Pharma, expert dans le domaine de l'hormonologie. De nombreuses actions sont organisées dans plus de soixante pays (sensibilisation des jeunes dans les collèges, lycées, discothèques...). En France, affiches, brochures, préservatifs et autres supports d'information sont proposés aux professionnels de santé*.
Sur 210 millions de femmes enceintes (déclarées) dans le monde, 80 millions n'ont pas planifié leur grossesse et, parmi ces dernières, 20 millions se font avorter et 68 000 en meurent. En Europe, plus d'une jeune de 15-24 ans sur quatre vit sa première expérience sexuelle sans se protéger.
* Sites Internet : contraceptions.info et your-life.com, en anglais.
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