A ECOUEN, le visiteur se trouve dans «un château transformé en musée des arts décoratifs au temps de la Renaissance», comme aime à le dire son directeur, Thierry Crépin-Leblond. Il n'y a pas de salles d'exposition. Les expositions temporaires habitent donc les pièces du château du connétable Anne de Montmorency. Ars Medicina (en bon latin de cuisine) débute dans la salle d'armes et grimpe jusqu'à la bibliothèque du connétable. Ces deux pièces entrent d'une certaine façon en résonance avec les deux avancées majeures qui vont faire évoluer la pratique médicale au XVIe siècle : l'utilisation de l'arquebuse sur les champs de bataille et l'essor de l'imprimerie, qui va donner naissance aux premiers manuels médicaux.
Car, pour le reste, il n'y a pas de Renaissance médicale comme il y en eut pour d'autres arts.
L'influence des anciens.
L' Ars Medicina se nourrit des textes et des doctrines des grands anciens redécouverts à la fin du Moyen Age : Hippocrate, Galien, Averroès, Avicenne, Dioscoride font toujours autorité. La théorie des humeurs reste la règle. Une édition de l'histoire naturelle de Pline de 1532, annotée en grec et en latin par un érudit de l'époque, témoigne de cette persistance. La BIUM (Bibliothèque interuniversitaire de médecine) a sorti pour l'occasion quelques-uns de ses trésors. C'est d'ailleurs ce qui vaut à l'exposition une atmosphère de clair-obscur, nécessaire à la conservation des livres précieux. Les fenêtres du château sont en effet obturées par les bannières portant les textes explicatifs qui, dans cette première partie, rappellent les rôles respectifs des médecins lettrés, des barbiers chirurgiens et des apothicaires.
Le développement de la pratique de la dissection va révolutionner l'anatomie, comme le montre la deuxième partie de l'exposition. «Au début du XVIe, précise Sophie Daynes-Diallo, commissaire de l'exposition, la dissection est pratiquée pour authentifier les écrits des anciens. Lorsque ce n'est pas le cas, on en conclut que c'est le corps qui est anormal.» Une situation qui va évoluer au fil du siècle. C'est en effet à la Renaissance que se met en place une désignation normée des éléments du corps humain, une pratique des gestes de dissection, une méthodologie scientifique à partir de l'observation anatomique. Les anatomistes n'hésitent pas à faire appel au talent des artistes pour illustrer leurs ouvrages. Citons un traité manuscrit illustré par le Vénitien Francesco Salviati (provenant de la BNF) et la célèbre « Fabrica » d'André Vésale, réalisée avec le concours de l'atelier du Titien. A admirer, deux exemplaires de l'édition originale de 1543, l'un conservé à la BIUM et l'autre à la BNF, soit quatre pages ouvertes...
Ces connaissances anatomiques seront de plus en plus indispensables aux chirurgiens confrontés aux nouvelles blessures par balle provoquées par les arquebuses. Ambroise Paré, qui ne savait ni le latin ni le grec mais finira par s'imposer comme professeur, est une des figures emblématiques de la profession. Ses activités sont évoquées tant par ses livres en langue vulgaire que par les instruments dont il usait : scie de chirurgien, pinces tire-balle, bras orthopédique. C'est d'ailleurs le réalisme et la précision des dessins de ses ouvrages qui ont permis de certifier l'usage médical de certains instruments que l'on pouvait confondre avec ceux du veneur ou du boucher.
Enfin, la bibliothèque se consacre à la médecine quotidienne. Celle que pratiquait Jean Héroard, chargé de veiller sur Louis XIII dès son plus jeune âge. Un tome de son précieux journal est sorti des réserves de la BNF. Un flacon à mirer les urines (trouvé lors des fouilles du Grand Louvre), un clystère dans son étui, des albarelles font partie de l'attirail ordinaire des soins. Les livres de médecins se font de petite taille et le « savoir » se diffuse.
Jusqu'au 7 juillet, ouvert tous les jours, sauf mardi de 9 h 30 à 12 h 45 et de 14 h à 17 h 45. (www.musee-renaissance.fr). On peut profiter de l'heure de fermeture pour déjeuner dans le restaurant du Château (réservation au 01.34.04.07.93). Gratuit jusqu'au 30 juin dans le cadre de l'expérimentation de la journée gratuite dans les musées nationaux.
Catalogue RMN éditions, 48 pages, 7 euros, édité grâce au soutien du Groupe Vygon, spécialisé dans le matériel chirurgical à usage unique et créé à Écouen en 1962.
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