LE CIEL sanitaire international est sombre. De nombreuses maladies chargent son horizon (fièvre aphteuse, maladie de la vache folle, sras, grippe aviaire, etc.), constate le rapport du HCFDC. Menacent aussi des maladies qui ont longtemps été considérées comme exotiques et qui, le réchauffement climatique aidant, peuvent s'installer durablement en France : fièvre du Nil, fièvre de la vallée du Rift… Le risque nucléaire se fait également plus inquiétant, avec la prolongation de la durée de vie des réacteurs actuellement en exploitation (jusqu'à 60 ans au lieu de 40), l'augmentation du nombre des installations pour assurer un fort développement de la production électrique française. Le risque de rupture de barrage est plus sérieux qu'on pouvait le redouter, ainsi que l'atteste le rapport confidentiel d'EDF dévoilé par la presse en mars 2007. Les laboratoires de recherche biologique de niveau P4, construits en surface, sont exposés aux risques terroristes, de même que le stockage des déchets radioactifs à haute activité, également réalisé en surface et tout aussi vulnérable à une agression terroriste sévère, le principe d'un stockage en profondeur ayant été différé. N'oublions pas les risques inhérents aux infrastructures de transports, aux complexes industriels chimiques, aux ouvrages d'art, aux bâtiments culturels fragilisés par le temps, aux sites de grands rassemblements de foule.
Les préconisations du Haut Comité.
Face à tant de périls catastrophiques, le rapport du HCFDC estime que la France accumule les insuffisances : manque de préparation du public, manque de coordination entre les acteurs des secours, manque de moyens. En premier lieu, il demande de revoir l'alerte et l'information-formation des populations, pour permettre à celles-ci de réagir aux situations d'exception. La formation dans le cadre scolaire, en particulier, est jugée indispensable, ainsi que le développement du concept d'autoprotection du citoyen. Pour ce qui est de l'organisation des secours, le rapport demande que soit reconsidérée la coordination des divers intervenants : pas assez de plates-formes communes de gestion des appels, ni de centres opérationnels regroupés entre services (police, gendarmerie, sapeurs-pompiers, SAMU). Les départements devraient réaliser des programmes de coordination technique ambitieux pour permettre une totale interopérabilité. Quant à l'Etat, il lui revient de clarifier et d'harmoniser les plans et le dispositifs en tout genre (ORSEC, plan Pirate), pour en accroître la simplicité et l'efficacité, et les protocoles de déclenchement.
Enfin, l'arsenal des moyens mis en oeuvre nécessite d'être revu à la hausse. Particulièrement visés, les secours spécialisés dans les grands risques (risques industriels, risques naturels) et les risques liés au terrorisme : répartis entre de nombreux acteurs (unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, moyens de la gendarmerie, du CEA et du ministère de la Défense), la mobilisation de ces secours sur des situations réelles est jugée insuffisamment réactive. Le rapport préconise que les budgets soient déterminés territorialement, en lien avec les SROS (schémas interrégionaux d'organisation sanitaire) et les SDACR (démarche sapeurs-pompiers). Et il dénonce un «manque très clair» de prise en compte des situations locales. Entre les moyens locaux, encore trop peu formés, et les moyens nationaux, forcément longs à mobiliser, il propose la création d'un niveau d'intervention dit niveau zonal, doté de moyens financés à la fois par l'Etat et les collectivités (départements et régions), pour assurer la liaison entre échelon local et échelon national.
La pandémie grippale encore insuffisamment travaillée.
Le rapport demande que des réserves (police, gendarmerie, sanitaires, sécurité civile) soient constituées pour fournir des renforts aux centres opérationnels lors des crises longues. Exemple particulièrement redouté de telles crises, la pandémie grippale est «encore insuffisamment travaillée par les services de sécurité et de secours, tant sur le plan de la planification de terrain que sur celui de la gestion des crises».
Dernière proposition, la création d'un Collège européen de défense et protection civiles pourrait être mise à l'étude par la France, à l'occasion de sa présidence du conseil de l'Union européenne. Au plan européen, en effet, l'accueil de nombreux sauveteurs qui s'expriment dans plusieurs langues mériterait de faire l'objet d'exercices. Le HCFDC en appelle à une réflexion sur la logistique européenne des grandes catastrophes. Il « urge », selon le rapport, de mutualiser les logistiques civiles et militaires (stocks, entrepôts, moyens de transport…). En ce domaine, souligne-t-il, «tout reste à penser».
Un Haut Comité pour « protéger l'avenir »
Créé en 1981, longtemps présidé par Maurice Schumann, le Haut Comité français pour la défense civile est une association loi 1901 indépendante, subventionnée pour un quart de ses ressources par l'Etat. Sa mission, «protéger l'avenir», le conduit à intervenir auprès des pouvoirs publics et du législateur, mais aussi auprès de tous les professionnels de la sécurité, pour élaborer une défense civile adaptée aux menaces et aux risques actuels et futurs. Après un premier livre blanc, « 20 constats et 20 propositions pour la défense civile », le rapport « Constats et propositions pour une vision globale de la sécurité » est signé par une trentaine d'experts, médecins, urgentistes, pharmaciens, chercheurs, mais aussi ingénieurs, architectes et journalistes.
Risque NRBC : ce qu'il reste à faire
Dans le domaine NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique) et celui des grands attentats urbains, le rapport Défense civile note plusieurs points à améliorer :
– confinement d'urgence : c'est la première mesure réflexe à prévoir en cas de menace NRBC. Mais, pour être efficace, l'ordre de confinement doit être audible en tout lieu et bien évidemment compris et suivi par les populations ;
– plan sanitaire : il faut poursuivre l'entraînement des hôpitaux et des établissements de santé, avec des plans blancs élargis dans les délais les plus brefs. La formation des cadres de santé doit aussi être achevée, avec des «stocks stratégiques de santé publique» ;
– suivi psychique : la prise en compte immédiate des troubles psychiques des victimes et impliqués suite à une catastrophe doit être poursuivie. Il faut augmenter les effectifs et les moyens (capacité de projection) des cellules d'urgence médico-psychologique départementales.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature