COMMENT FACILITER la restructuration de la biologie française, la rendre plus efficace, plus performante, d'une qualité indiscutable, sans mettre en danger son indépendance financière et économique ? C'est à cet exercice, difficile, que devront se prêter les membres du groupe de travail qui se réunissent à partir d'aujourd'hui au ministère de la Santé.
Trois organisations de biologistes – le Syndicat national des médecins biologistes (SNMB, affilié à la CSMF), le Syndicat des biologistes (SDB) et le Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC) – y participent ainsi, que des représentants des internes, des hospitaliers, des responsables de l'Ordre des médecins et de l'Ordre des pharmaciens. Autour de la table, une collaboratrice de la ministre de la Santé, qui devrait présider la réunion, ainsi que des experts de la Direction de la Sécurité sociale, de la Direction générale de la santé et de l'Organisation des soins et des hôpitaux.
Exercice d'autant plus difficile d'ailleurs que la profession et le gouvernement subissent la pression de l'Europe qui les incite depuis des mois à harmoniser la réglementation et à modifier la législation. On sait (voir « le Quotidien » du 20 février 2007) que la Commission de Bruxelles, et notamment le commissaire chargé du marché intérieur, a demandé à la France de justifier l'interdiction faite à des personnalités extérieures à la profession de détenir plus de 25 % des capitaux d'une société d'exercice libéral (SEL) et de participer à plus de deux sociétés de ce type. Dans sa réponse à Bruxelles en février dernier, le gouvernement de l'époque défendait la réglementation française au motif de l'intérêt de la santé publique et de l'indépendance de décision des directeurs de laboratoire que ne doivent pas menacer, ne serait-ce qu'à la marge, des financiers. «La règle limitant à 25% le capital social à des tiers répond à un objectif légitime, affirmait le gouvernement. Il s'agit d'éviter que des associés non professionnels, c'est-à-dire des investisseurs non biologistes ne pèsent sur les décisions de la société, amenant ainsi les associés professionnels à perdre leur indépendance.» Et les autorités françaises de rappeler dans le même temps que le traité de Rome dans son article 152 stipulait que, dans le domaine de la santé, l'action de la Communauté devait respecter les décisions et les responsabilités des Etats membres.
Pas de statu quo
De quoi satisfaire les syndicats de biologistes, du moins ceux qui participent à la réunion d'aujourd'hui, qui militent depuis des mois avec leurs Ordres respectifs pour que le gouvernement français tienne bon. On notera d'ailleurs que le candidat Nicolas Sarkozy, dans une lettre à un responsable syndical, allait dans le même sens, affirmant son intention de ne pas modifier la législation, quitte,poursuivait-il, à ce que «le commissaire chargé du marché intérieur défère le régime français» devant la Cour de justice européenne. Des avis, des déclarations qui devraient rassurer les biologistes.
Tout n'est cependant pas si simple. D'abord, la profession n'est pas unie. Le syndicat de la biologie européenne, qui ne participe pas à la réunion d'aujourd'hui, milite pour une restructuration profonde de ce secteur d'activité.
Ensuite, lors de l'élaboration du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, un article prévoyait des dispositions facilitant le regroupement des laboratoires. « Offrant », écrivait même un syndicaliste, les laboratoires «à l'appétit des financiers». Ce qui est peut-être pousser le bouchon un peu loin, mais cet article du PLFSS, pour les biologistes, prouve que le gouvernement actuel est peut-être moins enclin à les écouter. Il a fallu que la profession active tous ses réseaux pour qu'il soit retiré du PLSS.
Mais il est évident que le statu quo actuel, qui fait de la France une exception, ne peut durer éternellement.
De plus en plus de biologistes l'ont compris qui ont pris langue avec des groupes comme Labco, un réseau qui regroupe plus de cent laboratoires et qui vient de racheter le groupe espagnol General Lab, après avoir investi en Italie et en Allemagne. Labco et ses dirigeants sont très présents près de la Commission de Bruxelles et ne cachent pas leur intérêt pour le marché français. Dans le même ordre d'idée, il faut citer le rachat par le groupe suédois Capio, une des plus importantes chaînes de cliniques européennes, du suisse Unilabs qui regroupait un grand nombre de laboratoires d'analyses de plusieurs pays. Les grandes manoeuvres ont commencé depuis un certain temps déjà.
Il est donc impératif que la situation évolue. Les syndicats de biologistes en ont conscience. Ils doivent faire un certain nombre de propositions au gouvernement pour faciliter la restructuration et le regroupement des laboratoires d'analyses, qui sont plus de quatre mille en France.
Des discussions qui commencent aujourd'hui dépendra le nouveau visage de la biologie française. Une concertation qui sera suivie de près par l'ensemble des acteurs, présents ou non à la table des discussions, mais aussi par Bruxelles, très attentive aux décisions du gouvernement français en la matière.
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