QUE LA BONNE PRISE des médicaments favorise la guérison des patients est une idée largement admise. Mais que l'explication de la maladie, la surveillance, l'utilisation des instruments de mesure deviennent des facteurs de rémission supplémentaires est une opinion moins partagée et une pratique surtout moins répandue. «Les patients doivent mieux connaître la maladie et mieux se connaître.» Un constat que partagent le Pr Laurent Degos, président de la Haute Autorité de Santé (HAS), et Philippe Lamoureux, directeur général de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES). Une volonté commune les conduit à publier un guide méthodologique invitant, entre autres, les médecins «à mieux structurer les programmes d'éducation thérapeutique des patients, notamment dans le champ des maladies chroniques». Laurent Degos affirme que la Haute Autorité doit agir pour que le patient devienne acteur de sa santé. Pour ce faire, la HAS va s'appuyer sur la «relation forte existant entre le médecin et son patient, l'infirmière et le pharmacien». «Il s'agit de faire corps et de renforcer ces liens étroits de confiance qui demeurent essentiels dans le cas précis des maladies chroniques.» L'implication plus étroite des médecins dans l'éducation thérapeutique permettrait, selon le président de la HAS, «de consolider la confiance et de développer la nécessaire autonomie des patients», qui doivent «apprendre à gérer le plus tôt possible et le mieux possible» leur maladie au quotidien.
Le guide, disponible sur le site Internet de la Haute Autorité, est accompagné de trois recommandations «destinées à aider les professionnels de santé dans la mise en oeuvre de programmes personnalisés d'éducation thérapeutique du patient (ETP) ». Comment proposer cette aide et la réaliser, comment élaborer un programme spécifique d'une maladie chronique et comment organiser cette activité sont les trois premiers axes autour desquels la HAS guide les praticiens dans leur démarche pour «aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique». Un voeu formulé par l'OMS dans un rapport européen de 1996, qui insistait déjà sur «les compétences d'autosoins et d'adaptation» qui restent les bases de la méthodologie décrite dans le guide de la HAS.
Les règles du jeu.
Cette démarche, qui, comme le précise le Pr Degos, n'a rien de directif, mais pose «les règles du jeu» et répond précisément au besoin actuel d'inscrire l'éducation thérapeutique dans la réalité et la pratique quotidienne. Car si l'exercice existe parfois à l'hôpital, il est quasiment inexistant en ville. Pour aider les médecins libéraux, la HAS présente ses recommandations autour de pathologies. «Des bénéfices sont déjà visibles pour les patients, notamment dans le diabète de type1 et l'asthme chez l'enfant, mais il reste bien d'autres situations dans lesquelles le résultat des actions menées demeure encore ambigu», poursuit Laurent Degos, estimant qu'il reste par exemple encore beaucoup de travail d'éducation à faire dans le diabète de type 2 chez l'adulte, pour éviter notamment les pertes de prise en charge. «Aujourd'hui, nous cherchons à définir les bénéfices apportés par ces actions qui méritent d'être plus encadrées et rigoureusement évaluées pour évoluer.»
L'INPES s'est donc rapprochée de la HAS et invite les professionnels à entrer dans cette démarche, qui devient un terrain d'exploration et de recherche en tant que tel. «L'utilité des programmes d'éducation à la santé mériterait aussi d'être vérifiée», selon la HAS, car les méthodes et les résultats d'évaluation de ces programmes seraient assez «anarchiques». Les acteurs dispersés et les résultats hétérogènes sur le terrain ne facilitent pas l'exercice. Les deux organismes vont donc travailler main dans la main. Le pont tendu entre l'éducation à la santé et la qualité des soins devrait permettre de faire un premier pas, jugé décisif, dans la structuration de ces actions. La demande des institutions et les attentes des patients sont fortes l'une et l'autre, mais, en matière d'éducation thérapeutique, «il y a ceux qui en parlent et ceux qui en font», relève Philippe Lamoureux. Il fallait sortir de la théorie et l'INPES apporte aujourd'hui cette vision opérationnelle. Une approche utile, aussi : «Le patient n'est pas un entonnoir, le temps des médecins est compté et il convient donc de réfléchir. C'est une première étape.»
Les deux institutions s'apprêtent à signer une convention pour poursuivre cette récente collaboration et définir ensemble des priorités : la pratique de l'éducation thérapeutique en médecine générale sera l'une d'entre elles, confie au « Quotidien » le président de la HAS.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature