L'INFORMATION des médecins généralistes sur le médicament repose essentiellement sur cinq piliers : les visiteurs médicaux de l'industrie pharmaceutique, les recommandations édictées par la Haute Autorité de Santé (HAS), les recommandations en matière de sécurité sanitaire éditées par l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), la promotion du bon usage du médicament faite par les délégués de l'assurance-maladie (DAM) et, bien sûr, la presse médicale. Mais dans un rapport rendu public vendredi dernier, l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) se penche notamment sur l'action spécifique des visiteurs médicaux de l'industrie pharmaceutique, et de leur influence sur l'information des médecins généralistes.
Le constat n'est guère tendre. En préambule, le rapport note que l' «on consomme en France plus de médicaments que dans n'importe quel pays au monde», même si l'IGAS rappelle que, selon une étude du Leem (Les Entreprises du Médicament), cet écart tend à se réduire significativement. Mais, pour l'IGAS, «l'industrie pharmaceutique, à travers l'importance des moyens qu'elle déploie pour la promotion de ces produits, est un acteur prééminent dans le dispositif d'information des médecins». Précisément, l'IGAS estime à 3 milliards d'euros les dépenses engagées pour la promotion du médicament par l'industrie pharmaceutique. Selon le rapport, les trois quarts de cette enveloppe seraient consacrés à la seule visite médicale, une somme «financée en fait par la collectivité à travers les prix administrés du médicament». L'IGAS calcule par ailleurs que ce total correspond à «plus de 25000 euros par généraliste et par an», et estime qu'en incluant les frais de gestion et d'encadrement des réseaux de visiteurs médicaux, on «aboutit pour la seule visite médicale à un ratio de 14% du chiffre d'affaires» de l'industrie pharmaceutique. Au-delà des sommes consacrées à la visite médicale, l'IGAS aborde le chapitre de son «influence sur les prescriptions». Elle estime, par exemple, que la promotion effectuée par les visiteurs médicaux «peut contribuer à élargir les indications de base d'un produit, à étendre la population prise en charge au-delà des critères promus par les recommandations, à substituer des produits de deuxième intention à des produits de première intention, et à diffuser largement des innovations dont la supériorité clinique n'est pas avérée, au détriment des produits éprouvés en pratique réelle». D'autant, ajoute le rapport, qu' «au regard de l'action de l'industrie pharmaceutique, celle des pouvoirs publics paraît timide et ne mobilise que des moyens limités».
Pourtant, reconnaît par ailleurs l'IGAS, la visite médicale est «considérée comme une source d'information indispensable pour 55% des praticiens, et 72% ont une bonne image globale de la visite médicale».
Propositions alternatives.
Si bien que l'IGAS propose une série de mesures pour redonner du poids à l'information sur les médicaments n'émanant pas de la visite médicale proposée par l'industrie pharmaceutique. Le rapport propose ainsi : de confier à la HAS la définition et la mise en oeuvre d'une stratégie de promotion publique des bonnes pratiques de prescription ; de créer un observatoire de la prescription ; de confier à la HAS la responsabilité de veiller à la qualité de l'information diffusée en matière de soins et notamment de médicaments ; de constituer un réseau de médecins sentinelles chargés de l'observation de la visite médicale ; de renforcer les réseaux de DAM (les délégués de l'assurance-maladie) ; et enfin d'organiser «le désarmement» en matière de promotion de l'industrie pharmaceutique, notamment par l'utilisation de la taxe sur la promotion, et d'objectifs quantitatifs par classe. «Il appartient aux pouvoirs publics d'utiliser ces outils dans le cadre d'une politique clairement affichée de réduction progressive de moitié des dépenses de promotion» de l'industrie pharmaceutique, conclut le rapport.
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