Enquête chez les Africains d'Ile-de-France

Le recours au dépistage est élevé

Publié le 28/06/2007
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DEPUIS LA FIN des années 1990, la proportion des personnes originaires d'Afrique subsaharienne parmi celles qui sont infectées par le VIH ne cesse de croître. Pour les cas de sida, leur part est passée de 7 % à 24 % entre 1996 et 2005 et elles représentaient 32 % (62 % étaient des femmes) des nouveaux diagnostics entre 2003 et 2005. Un poids grandissant qui leur vaut d'être désignées comme «populations prioritaires» dans le programme national de lutte contre le VIH/sida 2005-2008. Afin de mieux cibler les stratégies de prévention, l'Inpes a lancé en 2005 une enquête sur les connaissances, attitudes, croyances et comportements face au VIH/sida.

L'enquête s'est déroulée dans des lieux ouverts à partir de sites d'enquête fixes sur 50 communes d'Ile-de-France, une région où résident majoritairement les natifs d'Afrique subsaharienne. L'échantillon de 1 874 personnes (18 à 49 ans) est représentatif de la population originaire d'Afrique subsaharienne pour ce qui est du sexe et du pays de naissance, mais il ne l'est pas quant à l'âge et au niveau d'éducation : les personnes interrogées sont plus jeunes et plus éduquées. Comparé à une enquête par téléphone, le taux de refus est important (quatre personnes sur cinq), toutefois les données recueillies sont robustes, expliquent les investigateurs, et la méthodologie utilisée a permis d'inclure des personnes en forte précarité administrative.

Pas de banalisation.

«Le premier enseignement de l'enquête est que le VIH/sida est une préoccupation majeure» dans cette population. Plus de 70 % des personnes interrogées déclarent craindre beaucoup le VIH pour elles-mêmes, loin devant des maladies comme le diabète (47,9 %) ou la tuberculose (45,3 %). Leur perception du risque est encore plus aiguë que celle de la population générale : elles sont beaucoup plus nombreuses à indiquer avoir déjà craint une contamination par le VIH (42,1 %) que les personnes de métropole (28,5 %) et celles des Antilles et de la Guyane (34,9 %). Elles se montrent donc «extrêmement concernées par l'épidémie», soulignent les auteurs. Une absence de banalisation qui, à leurs yeux, «offre un contexte favorable pour asseoir la prévention et les campagnes de communication sur le VIH/sida».

Les modes de transmission sont globalement bien connus, même si des connaissances erronées persistent : 97 % déclarent que le VIH peut se transmettre lors des rapports sexuels sans préservatif ; 96,4 % en recevant du sang ; 95 % lors d'une injection de drogues avec une seringue déjà utilisée ; 87,6 % de la mère à l'enfant au moment de la grossesse, de l'accouchement ou de l'allaitement. Toutefois, certaines personnes interrogées croient à tort que la transmission est possible par une piqûre de moustique (32,8 %), en embrassant une personne contaminée (24,4 %), en étant hospitalisé dans le même service qu'une personne infectée (21,2 %) ou dans les toilettes publiques (19,8 %). Le préservatif masculin est identifié comme moyen de protection le plus efficace. Cependant, le niveau d'appréciation générale est particulièrement mauvais : le port du préservatif est loin d'être quelque chose de banal (40 % seulement le jugent ainsi contre 50 % aux Antilles-Guyane et 70 % en métropole) et est associé au multipartenariat (pour 40 % des personnes interrogées, il «incite à avoir plusieurs partenaires» et «crée des doutes sur le partenaire»). En revanche, les personnes interrogées se distinguent de la population générale par une plus forte valorisation des stratégies qui favorisent le dialogue avec le partenaire et le recours au test de dépistage. Elles considèrent comme des moyens efficaces le fait de «demander un test à son partenaire», de «faire soi-même régulièrement un test» et de «poser des questions à son partenaire sur sa vie sexuelle».

Utilisation du préservatif en hausse.

Les préservatifs féminins sont connus mais peu utilisés (73,6 % en ont entendu parler et 11,4 % l'ont déjà expérimenté). L'utilisation du préservatif lors du premier rapport sexuel progresse : 11 % lorsque le rapport a eu lieu avant 1988 ; 53,5 % lorsqu'il a eu lieu entre 2000 et 2005. Même si elle reste à un niveau inférieur à celle observée auprès de la population en métropole (85 %) et aux Antilles-Guyane (80 %), le fait qu'elle soit en augmentation est important, car l'utilisation du préservatif au premier rapport détermine fortement son utilisation future. De plus, «une telle évolution sur une période aussi courte témoigne de l'efficacité des politiques de prévention menées en direction des populations originaires d'Afrique subsahariennes», signale l'Inpes.

Le niveau du multipartenariat est relativement élevé chez les hommes, y compris les plus de 40 ans, mais le taux d'utilisation du préservatif est plus important chez les multipartenaires (85,8 % des hommes multipartenaires l'ont utilisé au cours des douze derniers mois ; 90,6 % des femmes). Les femmes, moins nombreuses à avoir déclaré un multipartenariat, semblent avoir une moindre maîtrise de la prévention : elles utilisent moins le préservatif (34 % contre 56 % des hommes au cours des douze derniers mois) mais ont plus souvent recours au dépistage.

L'enquête va à l'encontre de l'hypothèse souvent avancée selon laquelle les populations d'Afrique subsaharienne recourent moins souvent au dépistage que les autres : 64,9 % des personnes interrogées avaient déjà fait le test au cours leur vie – ils sont 53 % en métropole et 61,5 % aux Antilles-Guyane. Les médecins (60 % des derniers tests sont réalisés à leur initiative) et l'hôpital (30 % des derniers) jouent un rôle central dans l'accès au dépistage.

Dans l'ensemble, le niveau d'étude apparaît comme l'une des variables les plus discriminantes, quel que soit le thème abordé. Pour ce qui est de l'accès au dépistage, la précarité sociale et administrative joue le rôle de frein : les personnes sans titre de séjour ou détentrices d'une carte de séjour temporaire ont une probabilité environ deux fois moindre d'avoir déjà été testées que les personnes originaires d'Afrique subsaharienne de nationalité française. «Ces résultats rappellent que la cohérence des actions de prévention repose également sur la politique d'accès aux droits et d'accès aux soins», conclut l'Inpes.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8196