DE NOTRE CORRESPONDANTE
ÉTONNANT PARCOURS que celui de cet homme devenu professeur à la force du poignet. Arrivé en France à l'âge de 8 ans, il partage avec son père, ouvrier chez Citroën, une petite chambre dans un meublé parisien. Il fait ses devoirs au café du coin, et collectionne les petits boulots pour payer ses études. Pur produit de l'école de Jules Ferry, Salem Kacet est admis à Bichat en 1971. «En médecine, toute la sélection s'opère par concours, donc les candidats “issus de la diversité”avaient leurs chances», confie- t-il avec un large sourire, ajoutant toutefois qu'ils étaient à peine deux ou trois dans sa promo.
Admis à l'internat, il choisit la pédiatrie, dans l'idée de retourner en Algérie sitôt son diplôme en poche. «Il n'existait alors aucun spécialiste de cardiologie pédiatrique là-bas.» Finalement, c'est vers la cardiologie que se tournera Salem Kacet, sous la houlette du Pr Jean Lekieffre, patron du service de cardio du CHU de Lille. «Lorsqu'il m'a nommé professeur, cela a fait grincer pas mal de dents... Un Arabe à ce poste, c'était encore inconcevable pour beaucoup.» Sans une once d'amertume, il évoque les petites vexations qu'il subissait quotidiennement : «Lorsque j'accompagnais un malade, on me prenait toujours pour le brancardier.» Les clichés ont la vie dure. Mais ils n'ont jamais entamé son humour.
La politique, le jeune praticien hospitalier la découvre en 1987, un peu par hasard. Remarqué par Albin Chalandon, député du Nord, il rejoint, à l'invitation de Jacques Chirac, la Commission des sages sur le code de la nationalité. «On était alors en pleine montée du FN. L'immigration devenait un thème de campagne récurrent et le gouvernement souhaitait réformer le code de la nationalité.»
La commission rend son rapport en 1988, et Salem Kacet retourne à ses études. Mais il est sorti de l'ombre et les médias s'intéressent désormais de près à ce modèle d'intégration réussie. En 1989, André Diligent, maire CDS de Roubaix, lui propose une place sur sa liste. Elu, il sera troisième adjoint sans étiquette, chargé de la santé, jusqu'en 1995. Mais il choisit de ne pas se représenter. «Je ne voulais pas abandonner mon métier et, surtout, je ne voulais pas dépendre d'un parti politique, quel qu'il soit.»
Fascination.
Salem Kacet retourne donc à la vie civile pour se consacrer à ses patients et à ses engagements associatifs (notamment les échanges médicaux avec le Maghreb). Mais la politique finit par le rattraper. En juin dernier, il est « approché » par l'UMP pour la 7e circonscription du Nord. Notre homme n'hésite pas longtemps et décide d'y aller. Curieux virage politique pour cet homme à la fibre sociale, qui militait, étudiant, dans un parti algérien maoïste. «Je suis fasciné par Sarkozy. Il a un charisme et une énergie exceptionnels. Ce sera un des plus grands présidents du siècle», assure-t-il.
A la mi-mai, rebondissement : le président demande personnellement au médecin lillois de glisser de la 7e à la 8e circonscription, pour cause d'accord électoral avec les transfuges du parti de François Bayrou. Francis Vercamer, député sortant UDF rallié à l'UMP, brigue en effet le même siège que Salem Kacet. Sauf que ce glissement place le Dr Kacet dans une situation inextricable : sur la 8e circonscription (Roubaix, Croix-Wasquehal et Wattrelos), il se retrouve en concurrence avec Gérard Vignoble (l'un des rares députés UDF restés fidèles à François Bayrou), son ami de toujours. Ensemble, ils ont défendu bec et ongles ce secteur de la métropole lilloise particulièrement défavorisé. Et surtout, lorsque Gérard Vignoble, terrassé par une thrombose cérébrale en 1999, s'est retrouvé à moitié paralysé et privé de la parole, c'est son ami cardiologue qui l'a soutenu moralement pour le sortir de là, venant chaque jour à l'hôpital l'encourager à se battre.
Alors, s'affronter sur le terrain politique, après cette épreuve traversée à deux, c'était inconcevable pour l'un comme pour l'autre.
Beau joueur, Gérard Vignoble a fait passer son amitié avant ses ambitions politiques, et s'est retiré de la partie, laissant le champ libre à son ami Salem. Dernier acte de la tragédie grecque...
C'est donc le coeur léger que le médecin lillois entre en campagne. Avec un soutien de taille : le déplacement jeudi dernier de François Fillon dans sa circonscription. Le «petit berger kabyle» veut croire à sa bonne étoile.
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