A PARTIR de 2012, pour prendre sa retraite, il faudra avoir cotisé pendant 41 ans au moins (et davantage peut-être ensuite en fonction des gains d'espérance de vie). La loi Fillon de 2003 – que Ségolène Royal dit vouloir remettre à plat – instaure aussi, pour favoriser l'activité des seniors, un système de surcote/ décote et la possibilité de cumuler emploi et retraite. Et elle durcit les conditions d'accès aux préretraites. Des négociations sur la pénibilité au travail sont prévues dans ce cadre, mais n'avancent guère : si les partenaires sociaux sont d'accord pour faire davantage de prévention et prendre en compte le stress, le patronat refuse l'idée d'une cotisation supplémentaire pour financer les retraites anticipées des salariés ayant exercé des métiers pénibles.
Mais comment définir la pénibilité, alors que les conditions de production et l'organisation du travail ont tellement changé en une trentaine d'années ? Dans l'étude « Pénibilité au travail et santé des seniors en Europe »*, les chercheurs de l'Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) soulignent que la pénibilité physique n'a pas disparu, en particulier la répétitivité des gestes et le port de charges lourdes, tandis que la pénibilité psychologique s'est développée, le stress au travail étant responsable d'une part croissante des problèmes de santé d'origine professionnelle.
C'est cette dernière dimension qu'a surtout explorée l'étude, réalisée à partir des données de l'enquête Share**, menée auprès des 50 ans et plus dans dix pays européens. La pénibilité a été mesurée selon trois dimensions : la demande psychologique (pénibilité physique perçue et pression due à une forte charge de travail), la latitude décisionnelle (possibilité de décider de la conduite de son travail et de développer de nouvelles compétences) et la récompense reçue (salaire, perspectives d'avancement, reconnaissance).
L'importance de la récompense.
Les 50-65 ans qui ont un emploi se portent plutôt bien : 78 % se déclarent en bonne santé, 77 % déclarent ne souffrir d'aucune maladie chronique, 75 % ne déclarent aucune limitation d'activité liée à un problème de santé et 82 % ne présentent aucun signe de dépression. Et ils sont d'autant plus nombreux à bien se porter que les facteurs cités plus haut sont orientés positivement.
Ce qu'il fallait démontrer : la probabilité d'être en bonne santé est plus élevée avec une demande psychologique faible, une latitude décisionnelle forte et une récompense forte. C'est ce dernier facteur qui a le plus d'influence : en passant d'un niveau de récompense faible à fort, la proportion d'hommes qui sont en bonne santé progresse de 71 à 84 %, et la proportion de ceux qui ne présentent pas de signe de dépression, de 80 à 93 %. L'écart est encore plus grand pour les femmes : 16 points pour la bonne santé (de 67 à 83 %) et 24 points pour l'absence de trouble dépressif (de 57 à 81 %). Les femmes sont d'ailleurs plus sensibles que les hommes à ces dimensions de la pénibilité au travail. L'étude de l'Irdes vérifie également l'hypothèse d'un effet intrinsèque de l'organisation du travail distinct des effets des caractéristiques propres de l'individu. Les seniors qui sont dans une situation de travail déséquilibrée (forte demande psychologique et faible latitude décisionnelle ou récompense insuffisante) sont en moins bonne santé. Les résultats montrent aussi l'importance du soutien au travail (le sentiment de bénéficier d'un soutien est associé à une diminution du risque de dépression, de 3,4 points pour les hommes et de 7,6 points pour les femmes) et, bien sûr, de la sécurité de l'emploi (qui augmente de 1,8 et 7,4 points, respectivement, le sentiment d'être en bonne santé). «Si l'on souhaite favoriser l'emploi des seniors et préserver leur santé sur leur lieu de travail, conclut l'étude, la mise en oeuvre d'une prévention des risques organisationnels constitue une solution efficace.» Alors, à défaut d'augmentations, des remerciements pour le travail accompli ?
* « Questions d'économie de la santé », n° 120. www.irdes.fr.
** Survey on Health Aging and Retirement in Europe.
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