«GLOBALEMENT, sur la période 1998-2002, les décès par cancer occupent en France la première place chez les hommes (32 % des décès) et la deuxième chez les femmes (22 %) , après les maladies cardio-vasculaires», rappellent Laurence Chérié-Challine et Marjorie Boussac-Zarebska. Sur la même période, ils ont été responsables de 87 000 décès par an chez les hommes et de 57 000 par an chez les femmes.
Sein et corps utérin, de bon pronostic.
Des chiffres qui invitent à la vigilance, comme l'a déjà souligné le Pr Henri Pujol, président de la Ligue contre le cancer, lors de la publication des résultats de l'étude sur la survie des patients atteints de cancer réalisée à partir des données des registres du réseau Francim (« le Quotidien » du 1er mars). «Il n'y a pas lieu de faire du triomphalisme», déclarait-il. Si l'amélioration globale de la survie à cinq ans – un patient sur deux survit à son cancer – est porteuse d'espoir, des disparités importantes demeurent.
L'état des lieux de la surveillance des cancers que dresse aujourd'hui le « BEH » (n° 9-10) le montre, la survie relative à cinq ans standardisée pour l'âge varie en fonction des cancers (voir figures). Parmi les cancers féminins, ceux du sein et du corps utérin ont un bon pronostic, avec une survie respectivement de 84 et 74 %. Le taux de survie est de 70 % pour le cancer du col utérin et de 40 % pour celui de l'ovaire. Parmi les cancers masculins, l'excellent pronostic du cancer du testicule se confirme, avec une survie à cinq ans de 95 %. La survie des patients atteints de cancer de la prostate, le plus fréquent des cancers chez l'homme, est de 77 %. L'amélioration du pronostic du cancer du côlon semble de faible amplitude : 55 % chez l'homme et 57 % chez la femme, mais les cancers pris en compte dans l'étude n'ont été diagnostiqués qu'à partir de 1989 et n'ont pas totalement bénéficié des progrès de la prise en charge chirurgicale intervenus dans les années 1980. Demeurent de mauvais pronostic les cancers du poumon (12 % chez l'homme, 16 % chez la femme), de l'oesophage (10 et 14 %) et du pancréas (5 et 7 %).
Pour la majorité des localisations, la survie des femmes est meilleure que celle des hommes. Les patients plus âgés au moment du diagnostic ont habituellement un pronostic moins favorable que les plus jeunes, mais l'excès de mortalité est surtout marqué dans l'année qui suit le diagnostic, pour s'estomper ensuite. Ainsi, une patiente de 45 ans chez qui un cancer de l'ovaire est diagnostiqué aura deux fois plus de chance de survivre à son cancer qu'une patiente de 63 ans. A noter que le profil est inversé dans le cancer du sein et celui de la prostate : le surcroît de mortalité touche les patients les plus jeunes.
Le cancer de l'adolescent, une maladie orpheline.
Des différences ont également été mises en évidence chez les adolescents par rapport aux enfants tandis qu'existe une grande variabilité chez les patients de 75 ans et plus atteints d'hémopathies malignes.
L'étude sur l'incidence et la survie des cancers de l'adolescent (1988-1997), réalisée à partir des registres généraux de 9 départements, montre que la survie des cancers dans cette population est inférieure à celle observée chez les enfants pour les leucémies aiguës lymphoïdes, les lymphomes malins non hodgkiniens, les tumeurs osseuses et mésenchymateuses malignes. Comme chez l'enfant, le cancer représente chez l'adolescent «une maladie orpheline», estiment les auteurs de l'étude, qui soulignent le manque d'inclusion dans les essais thérapeutiques, les modalités thérapeutiques variables selon le lieu de prise en charge, les particularités biologiques et psychosociales (défaut de compliance et délais élevés entre les premiers signes et la première consultation médicale) spécifiques à cette tranche d'âge. Malgré l'extension de la cancérologie pédiatrique aux adolescents (circulaire ministérielle du 29 mars 2004), la surveillance sanitaire des cancers de l'adolescents reste «insuffisante», notent-il encore. Bien que rares, les cancers chez les adolescents représentent pourtant la troisième cause de mortalité après les accidents et les suicides.
Disparités régionales fortes.
En dehors de la maladie de Hodgkin, qui affiche une survie relative de 88 %, le pronostic des hémopathies malignes reste très réservé chez les patients de plus de 75 ans. Le contraste est grand avec la survie dans la leucémie aiguë myéloblastique, qui atteint tout juste les 19 %. Les autres cancers sont intermédiaires : la survie relative à cinq ans des patients atteints de myélome multiple est par exemple de 42 %, «rappelant que cette hémopathie, malgré son caractère chronique, a un mauvais pronostic». Quel que soit le type d'hémopathie, la survie des patients est réduite par rapport aux plus jeunes. Certes, l'étude, elle aussi réalisée à partir du réseau Francim, n'a pas permis de mesurer les progrès réalisés dans la prise en charge de ces cancers (nouveaux médicaments, traitements plus ciblés et immunothérapie), mais elle montre la nécessité de développer l'hématologie gériatrique et de mieux connaître ces maladies.
Autres disparités, et non des moindres, celles touchant à la répartition géographique des cinq cancers accessibles au dépistage (sein, prostate, colo-rectal, col utérin, mélanomes de la peau). L'étude publiée par le « BEH » a analysé les données de mortalité fournies par le CépiDc (Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès) entre 1998 et 2002. Contrairement aux données d'incidence et de survie des registres, qui ne couvrent que 15 % du territoire, celles-ci ont l'avantage de l'exhaustivité et permettent une surveillance au niveau régional pour orienter la prise de décision et le suivi des mesures locales. Le renforcement de cette surveillance régionale est l'un des objectifs du plan Cancer. Les disparités sont fortes, globalement plus marquées chez les hommes que chez les femmes. Les taux de décès significativement les plus élevés sont observés dans les régions du Nord, en particulier dans le Nord - Pas-de-Calais, la Haute-Normandie et la Picardie. Les plus grandes variations concernent le cancer de la prostate, allant de 12,1 pour 100 000 personnes/année en Corse à 19,5 en Nord - Pas-de-Calais ; les différences sont les moins marquées pour le cancer du sein (16,4 en Alsace à 24,4 dans le Nord - Pas-de-Calais).
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