A L'HEURE où de nombreuses ONG oeuvrent légitimement en faveur de l'accès aux traitements dans les pays pauvres, il est urgent que chacun soit conscient que cette situation dramatique concerne directement des milliers de malades en ce moment même, en France : les hommes, les femmes et les enfants dont la survie dépend d'une greffe. La pénurie reste en effet une réalité dramatique : en 2006, seulement un tiers des malades qui ont eu besoin d'une greffe en France ont pu être transplantés. Et pourtant, la greffe, ça marche. Il s'agit d'une thérapie qui a fait la preuve de son efficacité.
La transplantation rénale est la plus fréquente des greffes. C'est aussi le meilleur traitement pour les malades dont les reins ne fonctionnent plus et dont le nombre s'accroît régulièrement : 29 % des Français ont dans leur entourage au moins une personne touchée par une maladie rénale. Outre l'amélioration très importante de la qualité de vie qu'elle procure aux malades, la transplantation rénale améliore aussi sensiblement leur espérance de vie par rapport au traitement alternatif qu'est la dialyse.
Les greffes de coeur, de poumons, de foie sont la seule chance de survie pour les personnes atteintes de pathologies en phase terminale (insuffisance cardiaque, mucoviscidose, VIH, hépatite C, cancer du foie, maladies orphelines et auto-immunes, etc.).
Au-delà de la réussite du point de vue strictement médical, le développement de la greffe génère des économies de santé considérables. Si tous les patients actuellement dialysés et en attente de greffe étaient transplantés, l'économie réalisée par l'assurance-maladie serait de l'ordre de 600 millions d'euros par an ! Le coût médical d'une année de traitement postgreffe est en effet très inférieur à celui d'une année de dialyse.
Si, aux yeux des médias et du grand public, la greffe d'organe a perdu son statut de médecine de l'exploit et de l'exception pour devenir une technique presque banale, pour ceux qui la vivent de près, qu'ils soient malades ou soignants, elle ne sera jamais une médecine de routine.
Des inéquités flagrantes.
La France, dont le système de santé se veut un modèle mondial et qui se targue de le rendre accessible à tous, est pourtant le théâtre d'inéquités flagrantes. Face à un besoin de greffe, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne.
Face à certains constats, les malades s'interrogent. Pourquoi les durées d'attente varient-elles de quelques mois à plusieurs années en fonction de la région dans laquelle les malades sont inscrits, diminuant d'autant les chances de succès des greffes et de survie des patients ? Pourquoi certains hôpitaux affichent-ils des chiffres de prélèvements d'organes nuls ou très faibles, sans aucune raison valable ? Du désintérêt coupable à la non-assistance à personne en danger, la frontière est ténue.
Le manque de solidarité des Français, qui seraient réticents à faire don de leurs organes après leur mort, est un prétexte un peu facile, qui insulte la générosité des donneurs et de leurs familles. Selon une étude très récente de l'Agence de la biomédecine, 85 % de nos concitoyens se disent favorables au don d'organes. Peu de causes sont aussi fédératrices.
Au-delà des tabous et des idées fausses, le don d'organes, comme la greffe, peut concerner chacun d'entre nous, sans distinction d'âge, d'origine ou de condition sociale. Du reste, il est beaucoup plus probable d'avoir un jour besoin d'une greffe que de se trouver en situation de donner ses organes après sa mort.
Vaincre la pénurie et faire que ce traitement soit accessible à tous ceux qui en ont besoin est un enjeu de vie, de solidarité et de progrès de la société, à la hauteur de la France et de son rôle de pionnier. Y parvenir n'est pas un défi insurmontable. D'autres pays l'ont relevé, avec succès.
Cinq objectifs.
Pour qu'à la bienveillante indifférence qui prévaut se substitue rapidement une volonté politique, la fondation Greffe de Vie, les sociétés savantes, les organisations professionnelles et les associations de patients interpellent les candidats à l'élection présidentielle, autour de cinq objectifs concrets :
1. Faire du don d'organes et de la greffe une priorité politique et sociétale et une grande cause nationale.
2. Favoriser par tous les moyens l'information des citoyens, en commençant par faire figurer le don d'organes et la greffe dans les programmes scolaires d'instruction civique, de sciences de la vie et de sciences humaines.
3. Développer le prélèvement d'organes, pour rattraper le retard français sur nos voisins espagnols (35 donneurs prélevés par million d'habitants en Espagne contre 23 en France).
4. Développer la greffe rénale à partir de donneurs vivants, pour rattraper le retard français sur l'Europe du Nord (40 % des transplantations rénales en Norvège contre 9 % en France).
5. Donner les moyens matériels et humains aux équipes de transplantation de prendre en charge leurs patients, dont le nombre ne cesse d'augmenter. Dès maintenant, les budgets existants qui leur sont destinés doivent enfin leur être réellement attribués en fonction de leur activité, et non être mutualisés dans la masse des budgets hospitaliers.
Les candidats sont appelés à formuler des propositions concrètes, à la hauteur des espoirs de tous les malades en attente de greffe et de leurs proches. Leurs réponses seront publiées sur le site Internet de la fondation Greffe de Vie : www.greffedevie.fr.
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