«EN UN MOIS, trois étrangers malades ont été renvoyés dans leur pays alors que des médecins inspecteurs de santé publique avaient rendu des avis indiquant les conséquences exceptionnellement graves d’une expulsion», dénonce l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (Odse), un collectif de dix-sept associations, parmi lesquelles Act Up, Aides, Sida Info Service, Solidarité Sida, le Comede (Comité médical pour les exilés) ou encore Médecins du monde. Des décisions prises «en violation des textes et en contradiction avec la politique affichée de protection des personnes étrangères malades», dénonce l’Odse.
Le 3 janvier dernier, un homme est renvoyé aux Comores alors que, au vu de son état de santé, le centre de rétention de l’aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle, au Mesnil-Amelot, avait saisi le médecin inspecteur de santé publique de la Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) de Seine-et-Marne. Dans son avis, le praticien précisait que le traitement nécessaire vu l’état de santé du patient n’était pas disponible aux Comores et que son renvoi pouvait entraîner des conséquences «d’une exceptionnelle gravité». Malgré l’avis et en dépit de plusieurs interventions, notamment du service médical, la préfecture décidait de poursuivre la procédure d’expulsion.
Disponibilité des traitements.
Le 27 janvier, c’est un patient séropositif pour le VHC et en cours de traitement qui est victime d’une procédure de renvoi en Géorgie. L’homme, placé au centre de rétention de Palaiseau par la préfecture de l’Eure pour l’exécution d’un arrêté de reconduite à la frontière, bénéficiait pourtant d’un avis du médecin inspecteur de la Ddass de l’Essonne selon lequel le traitement n’était pas disponible dans son pays d’origine. Pourtant, la préfecture confirme l’expulsion sur «la base d’une information attestant de l’existence d’antirétroviraux accessibles gratuitement en Géorgie». L’Odse affirme que ni l’accès effectif aux traitements ni les conséquences d’une rupture du traitement n’ont été pris en compte puisque, selon les informations d’un médecin présent sur place, l’Etat géorgien ne prend pas en charge les traitements anti-VHC.
Plus récemment, le 2 février dernier, un autre Géorgien est renvoyé chez lui alors que deux procédures d’expulsion s’étaient déjà soldées par un échec. En mai 2006, le tribunal administratif de Lyon décidait de le libérer du centre de rétention en raison de son état de santé. Un mois plus tard, un nouvel arrêté de reconduite pris par le préfet de l’Ain se heurtait à l’avis du médecin inspecteur de la Ddass du Rhône, selon lequel «l’état de santé du patient nécessite un traitement d’au moins un an». Placé de nouveau en centre de rétention en janvier 2007, l’homme a finalement été expulsé à bord d’un avion disposant d’une structure médicalisée.
Alerté dans les trois cas, le ministère de l’Intérieur a confirmé l’expulsion.
Les associations s’inquiètent de la multiplication de telles décisions. Elles s’étaient déjà mobilisées lors de la réforme de la loi sur l’immigration et de l’intégration, qui prévoyait de modifier le droit de séjour des malades. Le gouvernement avait alors renoncé et la loi adoptée en juillet 2006 laissait inchangé l’article 313-11 du code d’entrée et de séjour des étrangers, qui prévoit qu’un titre de séjour est accordé «à l’étranger résidant habituellement en France et dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire».
Un projet de circulaire abandonné.
Pourtant, au cours de l’automne 2006 , une nouvelle offensive est lancée à la faveur d’un projet de circulaire qui «invitait les préfets à s’affranchir des avis médicaux dans le cadre de la procédure de régularisation des étrangers malades», rappelle l’Odse. Le projet prévoyait notamment que la notion «d’accès effectif au traitement» soit abandonnée au profit de celle «d’offre de soins dans le pays d’origine». Pour juger de l’offre de soins, les préfets disposeraient d’une liste de pays classés selon l’existence ou non des traitements pour telle ou telle pathologie. Le projet a officiellement été abandonné en novembre. Pourtant, dit le collectif, «nous constatons aujourd’hui quotidiennement des pratiques qui semblent directement s’en inspirer».
Rappelons que, dans le cas de l’infection à VIH, le Conseil national du sida (CNS) a plusieurs fois pris position en faveur du droit au séjour, rappelant notamment, au moment des discussions de la loi sur l’immigration, que «l’accès aux soins pour tous les patients, quel que soit leur statut juridique, et le droit au séjour pour soins constituent des éléments essentiels à une lutte efficace contre l’épidémie d’infection à VIH».
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