SON COMBAT contre la maladie a commencé en même temps que sa lutte contre son propre sida. Arnaud Marty-Lavauzelle est mort du sida dans la nuit de lundi à mardi, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), après vingt ans de lutte contre la maladie. C’est en 1987 qu’il entre comme volontaire à Aides. «Je suis arrivé rue du Bourg-l’Abbé en janvier 1987. Psychiatre oblige, j’étais chargé de mettre en place la formation initiale des volontaires. Je ne pouvais pas y travailler sans connaître mon état sérologique. En mai, je me suis prescrit le test. Face au résultat, j’ai failli sauter par la fenêtre», racontera-t-il.
Docteur en médecine, il avait choisi la psychiatrie et la carrière de praticien hospitalier et de thérapeute familial, notamment à l’hôpital de Poissy. Ses travaux de recherche l’ont conduit à explorer des domaines tels que les liens entre psyché et maladies somatiques, la place du suicide dans la dynamique familiale ou encore la toxicomanie. Mais c’est d’abord la médecine humanitaire qui l’attire. Comme beaucoup de sa génération, il s’engage en 1969 en tant que médecin volontaire au Biafra.
Un médicament d’avance.
Le sida arrive très tôt dans sa vie, en 1987. «Son engagement pugnace, sa force de conviction et son inaltérable désir de vie le mènent à la présidence de Aides», témoigne aujourd’hui l’association. Il succède à Daniel Defert, le fondateur, en 1991. Mais déjà commence pour lui un long combat, d’abord personnel et presque secret. «A cette époque, c’était plutôt mal vu de se traiter. On estimait que les traitements éventuels pouvaient être toxiques», confiera-t-il à Eric Favereau lors de l’entretien qu’il lui a accordé pour le livre « Nos années sida, 25 ans de guerres intimes » (La Découverte, février 2006). Dès l’annonce de sa séropositivité, son taux de CD4 n’est déjà plus très élevé. Et il n’hésitera pas très longtemps avant d’accepter le protocole que lui propose son médecin. «J’ai eu en fait très vite une croyance vraiment militante: chercher et trouver à tout prix quelque chose qui réduise l’impact du virus. J’ai toujours eu ensuite un médicament d’avance», avouera-t-il. Cette bataille-là, il la mènera jusqu’au bout, même quand tout semblera perdu, comme en 2003, où une encéphalite à VIH l’exclut de tout protocole thérapeutique. Sa volonté farouche et celle de son compagnon Hugo lui permettent d’obtenir une nouvelle molécule. Pour la première fois de sa vie, sa charge virale sera «indétectable». Il sera même question de «miracle». Celui-ci n’aura pas duré. Mais l’accès aux traitements restera une des victoires du monde associatif auquel il n’a cessé d’appartenir.
A Aides, son engagement sera sans faille et sans complaisance pour la promotion de la réduction des risques auprès des usagers de drogues, la meilleure intégration des personnes positives ou encore le respect des droits des malades et la reconnaissance sociale des homosexuels. «Je ne peux pas (...) désapprouver le manque de courage et de visibilité des personnes qui combattent dans le champ de l’épidémie et me taire: vous avez donc un président malade du sida», assène-t-il aux militantslors des assises de l’association en 1993. Après sept années de mandat, il quittera Aides en juillet 1998, «fatigué mais heureux», confiait-il alors au « Quotidien », conscient des nouveaux enjeux qui se profilaient alors : inscrire les acquis de la lutte contre le sida «de façon durable dans la santé publique» et se battre pour l’accès aux soins dans les pays défavorisés. Il sera membre fondateur d’Ensemble contre le sida (devenu Sidaction), membre de l’Onusida et d’organismes internationaux comme Aidseti, un fonds de collecte de médicaments vers les pays du Sud. Le ministre de la Santé a salué en lui «une figure de proue» : «Son témoignage de courage, de force de vie, son combat pour une vie normale, pour l’évolution des comportements et des regards resteront dans dans nos mémoires.»
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature