Un programme d’actions sur le sommeil

Le réveil annoncé d’une médecine émergente

Publié le 29/01/2007
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LES QUATRE AXES du programme présenté par le ministre de la Santé découlent du rapport que lui a remis le Dr Jean-Pierre Giordanella, directeur de la prévention de la Caisse d’assurance-maladie de Paris (« le Quotidien » du 18 décembre) : mise à niveau des connaissances du public pour faire savoir au plus grand nombre que le sommeil est un déterminant de santé à part entière et, pour cela, lancement de campagnes d’information et de sensibilisation ; organisation de la formation des professionnels de santé, alors que ceux-ci ont spontanément tendance à réduire les problématiques du sommeil aux seules insomnies et à leur prise en charge médicamenteuse ; développement du dépistage et de la prise en charge, alors que la sous-estimation des troubles du sommeil entraîne un impact important en termes de santé publique. Le programme Bertrand veut enfin mettre en place des enquêtes barométriques et des procédures de veille sanitaire pour prendre l’exacte mesure scientifique du problème. A partir des données épidémiologiques ainsi recueillies, un état des lieux sera dressé, qui permettra d’ajuster les modalités des plans à venir en fixant notamment des cahiers des charges aux unités sommeil.

Cette toute première étape ne préjuge pas d’actions ultérieures qui étaient proposées dans le rapport, comme la recommandation d’instaurer au sein des entreprises des espaces réservés aux siestes du personnel.

Plusieurs mois d’attente pour une consultation.

C’est, quoi qu’il en soit, «la première fois que le sommeil fait l’objet d’une approche globale en santé publique, en tant qu’entité pluridisciplinaire», se félicite le Pr Jean-Philippe Derenne, chef du service de pneumologie de la Pitié-Salpêtrière (Paris), au sein duquel fonctionne depuis 1999 la Fédération des pathologies du sommeil (FPS), dotée de huit lits et de quatre praticiens hospitaliers, la seule en France qui travaille avec une double polarité, neurologique et pneumologique.

«Le fossé est actuellement profond entre la demande de prise en charge et l’offre hospitalière, souligne la responsable de l’unité, le Dr Isabelle Arnulf, qui fait état de délais d’attente de trois mois pour les consultations, alors qu’ils atteignent communément de cinq à six mois dans les autres structures spécialisées. «Or, assure la praticienne, nous sommes en présence de pathologies qui occasionnent un risque vital, comme on le constate en accidentologie, avec les troubles de la somnolence, autrefois causes d’un tiers des morts sur la route et, probablement aujourd’hui, après les campagnes de sécurité routière, de la moitié du nombre des victimes. On sait par ailleurs que le syndrome d’apnées du sommeil, qui affecte probablement 2,5millions de Français, multiplie par trois le risque d’AVC et par 2,5 celui d’infarctus. Les praticiens qui s’imaginent que nous ne prenons en charge que des insomnies sont donc très éloignés de la réalité de la prévalence de ces maladies.»

La responsable de la FPS estime que ce sont des millions de patients, conscients ou non, qui sont en fait concernés. Outre l’insuffisance de l’offre de soins hospitaliers, elle déplore «les très faibles moyens consacrés à la recherche, avec onze chercheurs statutaires recensés pour l’ensemble de la France».

«Alors qu’ont été mis en évidence des liens entre des maladies neurologiques comme la SEP, la SLA ou le Parkinson, les maladies spécifiques du sommeil et les pathologies d’obstruction des voies aériennes, guère plus de trois ou quatre équipes sont à ce jour au travail sur les mécanismes profonds de la physiologie du sommeil, regrette de son côté le Pr Derenne. Dans ces conditions de pénurie, il ne faut donc pas s’étonner si la plupart des thérapeutiques qui traitent l’insomnie restent non validées scientifiquement, les conséquences de bien des traitements par hypnotiques pouvant être plus négatifs que réellement bénéfiques.»

Le chef de service estime qu’ «il faut donc saluer le pragmatisme et la détermination manifestés par le programme d’actions ministériel, avec en particulier la mise en place d’un comité de suivi, à moyen et à long terme».

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8094