DE NOTRE CORRESPONDANT
C’EST UNE RENAISSANCE pour le comité d’action et de promotion de l’hôpital de Redon. Douze ans après avoir été créé pour permettre au centre hospitalier, le seul au coeur du bassin de vie de près de 50 000 habitants, à cheval sur trois départements, de devenir un pôle d’équilibre et d’obtenir un scanner, le comité reprend du service. Actualité oblige. L’écho provoqué par le rapport Vallancien sur les insuffisances des blocs opératoires des petits hôpitaux n’épargne pas le pays de Redon. Malgré les propos plutôt rassurants de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH) de Bretagne qui, en avril, souhaite maintenir les dix blocs de la région, les usagers sont méfiants et vigilants. Surtout après la publication de chiffres différents dans la presse régionale.
D’un côté, le directeur de l’hôpital, Michel Deshayes, parle de 2 141 actes chirurgicaux en 2005, notant au passage une augmentation de l’activité depuis 2003. Et, de l’autre, Annie Podeur, alors directrice de l’ARH (elle a rejoint aujourd’hui le ministère de la Santé en tant que directrice des Hôpitaux et de l’Organisation des soins), cite Redon comme faisant partie des dix blocs dont l’activité pourrait être à terme suspendue car il pratique moins de 2 000 interventions annuelles.
Bizarrement, quelques mois plus tard, on ne parle plus que de 1 696 actes chirurgicaux en 2005.
C’est donc à partir de ce nombre que le comité a imaginé son action pour contrarier le scénario de la fermeture de l’activité chirurgicale qui entraînerait, selon Jean-François Guérin, «la fin de la maternité par un effet domino». Fort des 200 usagers et des 15 communes adhérentes du pays de Redon, le comité a lancé une campagne de promotion de l’hôpital, notamment pour mobiliser la population, les élus et les professionnels de la santé, parmi lesquels les généralistes. En partant d’une idée simple : «Si chacun des 90généralistes qui exercent dans le pays de Redon orientent quatre patients de plus par an pour être opérés à l’hôpital de Redon, le seuil de 2000actes sera atteint, considère le président du comité . Selon les chiffres qui nous ont été fournis par l’ARH, seulement 15% des opérations subies par les habitants du secteur ont été effectuées à Redon en 2004. Il existe donc une marge de progression.»
Le comité a écrit aux généralistes de Redon et de ses environs à deux reprises pour que ces derniers « conseillent » l’hôpital local à leurs patients. «La responsabilité du taux de fuite important des usagers vers d’autres établissements est partagée entre l’hôpital, qui n’a pas de culture de communication, contrairement aux cliniques privées, et la population, qui préfère aller se faire soigner plus loin, souligne Jean-François Guérin. Un réflexe dû souvent à de vieilles histoires qui se sont passées à l’hôpital. Dans les petites villes, tout se sait et le moindre couac prend une dimension immense.»
Le Dr Jean-Pierre Béout, généraliste installé à Redon depuis 33 ans, également responsable du service d’orthogénie de l’hôpital, ne dit pas autre chose. «La moindre bricole et toute la ville est au courant, constate-t-il. Résultat: certains patients ne veulent surtout pas être hospitalisés ici, sans savoir réellement pourquoi, et préfèrent aller dans telle clinique, simplement parce qu’un ami y est allé.» Au-delà de ce contexte particulier aux petites villes, le Dr Béout souligne surtout le manque de médecins pour expliquer les difficultés auxquelles l’hôpital local est confronté. «Deux radiologues ont exercé ici pendant des années, puis ils sont partis. Ensuite, il n’y avait plus de titulaires mais des remplaçants, qui changent souvent. Quand j’ai besoin d’un examen spécialisé, j’hésite à envoyer le patient à Redon parce que je ne connais pas la personne. C’est un problème. Idem avec un urologue de Rennes qui a fait des consultations mais qui vient de partir. Encore un nouvel interlocuteur.»
«Je connais bien les gens qui travaillent ici, poursuit-il, je crois être parfaitement objectif dans les orientations. Cela étant, on connaît les quatre chirurgiens qui exercent localement. On peut donc orienter les patients vers l’un ou l’autre. La plupart nous font confiance. Les généralistes ont sûrement un effort à faire dans ce sens.»
Le Dr Laurent Nurit, installé lui à Marsac-sur-Don (partie Loire-Atlantique du pays de Redon) depuis 4 ans, est un partisan de l’hôpital de proximité. «Dans notre secteur, on a le choix entre le CHU de Nantes et les hôpitaux locaux de Redon et de Châteaubriant, qui sont à égale distance d’ici, soit 35 à 40km. C’est évident que l’accession en hospitalisation est plus facile dans les deux derniers établissements, qui sont très réactifs. Je fais pas mal de suivis de grossesse, j’envoie donc beaucoup de femmes sur Redon. Mais, si demain la chirurgie venait à disparaître, la maternité serait condamnée, car comment ferait-on si l’on a besoin d’une césarienne et d’un anesthésiste en urgence?»
La défense du directeur.
Mettre tous les problèmes rencontrés par l’hôpital sur la place publique n’est pas du goût de tout le monde. Le maire de Redon, Jean-Michel Bollé, président du conseil d’administration, serait opposé à l’initiative du comité, selon Jean-François Guérin. Mais le maire n’a pas souhaité répondre aux questions que « le Quotidien » voulait lui poser.
Le directeur du centre hospitalier, Michel Deshayes, reproche au comité de s’être saisi d’un sujet hautement sensible – l’attractivité de l’hôpital – et de chercher à se «substituer» au conseil d’administration dans la mise en oeuvre d’une politique de communication. En effet, communiquer sur un taux de fuite de 85 % n’est pas très positif. «Surtout, précise Michel Deshayes, que ce taux date de 2004, alors que nous avons des taux d’attraction de 30 à 32% en chirurgie digestive et orthopédique qui sont tout à fait dans la moyenne. Il faudrait plutôt mettre en avant la nécessité de développer la coopération avec Rennes, qui permettrait notamment des échanges réciproques entre les praticiens.»
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