LES ÉTUDES laissent peu de doute : le couple occidental a de plus en plus de difficultés à attendre un enfant. Les consultations pour infertilité se multiplient et, en France, 30 % des femmes de 25 à 44 ans déclarent avoir rencontré des difficultés ou échoué dans leur tentative de maternité, selon une enquête de l’Ined (Institut national d’études démographiques). Pas forcément corrélées à la fertilité, les données sur la santé reproductive masculine sont inquiétantes : dégradation régulière de la qualité et de la quantité des spermatozoïdes depuis 1950 (la concentration en spermatozoïdes aurait diminué de moitié pendant cette période) ; incidence croissante du cancer des testicules, dont le traitement influe sur la fertilité ; augmentation du nombre des anomalies congénitales de l’appareil reproducteur masculin. Le tableau est sombre.
Faut-il seulement incriminer le stress, l’augmentation de l’âge de la première grossesse, les dégâts causés par l’alcool et le tabac ? L’observation de la même affection de la fertilité chez des espèces animales a mis les chercheurs sur la piste d’un coupable méconnu : les facteurs environnementaux, en particulier les pollutions chimiques, dues à des substances auxquelles l’organisme moderne est régulièrement exposé (pesticides, détergents, antibactériens...). C’est cet impact qu’abordera la quatrième rencontre parlementaire « Santé-Environnement », le 13 décembre, à Paris*.
Selon Alfred Spira, chercheur à l’Inserm, l’hypothèse d’une relation entre les modifications de l’environnement et la reproduction masculine est sérieuse. « Deux types d’exposition sont en cause: d’une part, celles qui ont un impact direct, tels les rayonnements ionisants, certains produits chimiques et les pollutions; les perturbateurs endocriniens, ces produits qui miment les hormones, d’autre part.» A certaines étapes du développement, du foetus à l’âge adulte, ces agents extérieurs atteindraient le métabolisme, perturbant le développement génital, et la production de spermatozoïdes chez l’homme. Avec une dimension intergénérationnelle touchant la descendance.
Ni scientisme, ni militantisme.
«Il ne s’agit pas de faire du catastrophisme, assure Alfred Spira. Il faut éviter le «scientisme» qui nie tout impact des produits toxiques, comme le “militantisme” qui diabolise tout progrès industriel.» Le chercheur plaide surtout pour une meilleure compréhension de ces phénomènes, par une recherche beaucoup plus active, sur le long terme.
En attendant, le principe de précaution fait son chemin, via l’Europe : dans quelques jours passera en deuxième lecture la directive Reach, très attendue des écologistes, qui impose une évaluation de tous les produits chimiques en circulation (100 000 ont été commercialisés en France depuis 1945, sans contrôle), et contraint les industries à remplacer les produits suspects par des produits de substitution. Après avoir fait l’objet d’un puissant bras de fer avec le lobby industriel, la directive apporte enfin «une réglementation unifiée» dans ce domaine, se réjouit Nathalie Kosciusko-Morizet, députée UMP de l’Esssonne et organisatrice du colloque. La députée déplore toutefois l’absence de délai pour le volet substitution, et l’insuffisance de l’information sur ce sujet auprès des consommateurs.
* Renseignements : Agora Europe, tél. 01.41.14.99.00, www.agoraeurope.com.
Un observatoire épidémiologique
Pour déterminer les causes de la détérioration de la santé reproductive, l’Inserm, l’Institut national de veille sanitaire et l’université de Copenhague ont mis en place un observatoire épidémiologique de la fertilité. Son travail consiste à recruter et à suivre des couples jusqu’à la survenue d’une éventuelle grossesse.
Jusqu’à présent, les données sur la fertilité ne concernaient que les couples rencontrés en maternité, c’est-à-dire ceux qui étaient parvenus à une grossesse. L’observatoire permet d’intégrer ceux qui ne parviennent pas forcément à concevoir et qui, jusqu’à présent, étaient exclus des panels.
Une première étude a confirmé l’effet néfaste du tabac. En 2007, une vaste enquête auprès d’un millier de couples sera réalisée afin de mettre en évidence les facteurs environnementaux impliqués dans la détérioration de la santé reproductive.
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