Les cités au bord de l’explosion

Violence : le risque de l’habitude

Publié le 29/10/2006
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SUR UN POINT au moins, tous les Français devraient tomber d’accord. Un consensus national devrait affirmer que, quelles que soient les raisons sociales qui expliquent les actes de violence, ils restent intolérables. Il n’est pas sûr du tout que l’on puisse réunir la totalité des citoyens sur ce thème pourtant très simple. Beaucoup d’entre nous considèrent que l’explication rationnelle vaut justification. Cela signifie qu’ils n’ont pas été confrontés à une agression ou à l’incendie d’un autobus. Quand on arrête les gosses odieux qui se livrent à ces exactions, ils sont incapables de donner un mobile. Il nous appartient donc de leur dire pourquoi ils les commettent : parce qu’ils ne trouvent pas de plaisir à la fois plus puissant et plus pervers que de faire peur aux non-violents. Ce sont des terroristes, et aussi des lâches, parce qu’ils espèrent toujours agir dans l’impunité, en filant à l’anglaise et en se fondant dans la foule.

Terroristes n’est pas un mot trop fort, parce qu’une pluie de coups sur un malheureux conducteur d’autobus ou une voiture qui flambe sont des spectacles terrifiants, en ce sens qu’ils bouleversent l’ordre de la vie et des relations sociales. Leur comportement est en outre contre-performant : ils enlèvent toute envie de leur venir en aide chez les gens normalement constitués qui ne sont pas saisis à la gorge par une « culpabilité » imaginaire.

QUE CESSE A LA FOIS LE TRIOMPHALISME REPRESSIF ET LA POLITIQUE DE LA MAIN TENDUE

Une question d’égalité.

Nous sommes, dans notre immense majorité, incapables de remettre en cause la responsabilité du chauffeur qui doit transporter ses passagers en toute sécurité ; incapables a fortiori de cracher sur lui ; incapables de lancer un cocktail Molotov ; incapables de fuir devant un agent de police. Jeunes ou moins jeunes, nous acceptons l’ordre établi avec le sentiment très fort que nous n’avons aucune échappatoire. Que si, par extraordinaire, nous commettions l’un de ces délits, nous en rendrions compte aussitôt à la justice et nous accepterions son châtiment.

Pour que l’égalité soit rétablie entre eux et nous, il faut donc que les terroristes soient certains d’être châtiés. C’est le postulat de cette réflexion sans fin sur la violence qui ne mène jamais nulle part. Il y a quelques jours encore, nous reconnaissions que peu de choses ont été accomplies pour améliorer les conditions de vie dans les cités. L’effort financier et moral doit être fourni et doit surtout produire des résultats, car un jeune occupé ne voudra plus basculer dans la criminalité. Cependant, les investissements les plus lourds, les prestations sociales les plus élevées, la construction de nouveaux immeubles et de nouvelles écoles, rien de tout cela ne sera utile si, d’abord, nous n’avons pas sanctionné le crime. On ne peut pas non plus récompenser la violence ; les voyous des cités, dont on dit qu’ils ne sont qu’une petite minorité, finiraient par croire qu’il leur suffit d’incendier un bus pour que la société se mette à genoux devant eux.

Une confusion sur les victimes.

L’idée que les pyromanes des banlieues sont des victimes, l’idée que c’est en les secourant qu’on les apaisera, l’idée que l’aide sociale précède la répression sont fausses et dangereuses. Elles ne font que les exciter davantage. On voudrait donc entendre dans les discours les plus généreux l’indispensable note de fermeté. On voudrait que cesse la plaidoirie permanente. On voudrait en finir avec l’exonération de crimes qui ne peuvent être commis que par des brigands et non par le vague effet d’une violence imaginaire que nous leur ferions subir quand nous ne leur trouvons pas d’emploi.

Si nous parons au plus pressé, si nous éliminons les zones de non-droit, si nous faisons payer chaque crachat, chaque brutalité, chaque incendie par une lourde peine, le risque les fera reculer. C’est alors et alors seulement que, pour ne pas désespérer Clichy-sous-Bois, il faudra retourner aux racines du mal, et les extirper, en offrant aux jeunes un nouveau contrat social et moral. Le long terme exige un plan national d’assainissement des cités. Le court terme réclame des têtes. Sinon, le fléau (c’en est un) sortira des banlieues et gagnera peu à peu la totalité du territoire.

Il serait bon enfin que, sur ce sujet, tous les politiques se taisent : un projet répressif est à peu près nul si les policiers continuent à tomber dans un guet-apens ou ont peur de s’aventurer au-delà de certaines limites ; un projet d’assistance serait tout aussi nul s’il récompensait les bourreaux et indignait les victimes. Qu’on arrête de nous dire que l’on est sur la bonne voie et que le nombre de crimes diminue. Qu’on arrête aussi de nous dire que ces démons méritent notre compassion.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8040