«MÊME TRÈS FAIBLE, le risque d’acte terroriste avec le virus de la variole oblige à une réflexion sur la stratégie vaccinale.» Après l’annonce par l’OMS, en 1980, de l’éradication de la maladie, la vaccination a été arrêtée en France, d’abord pour les primo-vaccinations (1974) puis pour les rappels (1984). La population des moins de 27 ans n’est donc pas protégée et serait très vulnérable en cas de réintroduction volontaire du virus. Quant aux plus de 27 ans qui ont déjà été vaccinés, on connaît mal leur degré de protection, même si une étude réalisée en 2004, soit 25 ans après l’arrêt du vaccin, montrait que 90 % des sujets gardaient une immunité antivariolique humorale et/ou cellulaire. Une meilleure connaissance de cette protection résiduelle permettrait de mieux guider les décisions en termes de santé publique, notamment celles relatives à la stratégie vaccinale.
La revaccination de l’équipe nationale dédiée, décidée en 2003, dans le cadre du plan Biotox et de la réponse à apporter en cas de réintroduction délibérée du virus de la variole, a présenté une occasion unique d’étude de l’immunité résiduelle. C’est bien le faible niveau suspecté de cette immunité qui a imposé la nécessité de revacciner l’équipe constituée de volontaires dont le rôle est de prendre en charge les tout premiers cas de variole en cas d’acte de malveillance.
L’étude a été réalisée par l’équipe du Pr Bricaire à la Pitié-Salpêtrière, en collaboration avec le Centre de recherches du service de Santé des armées (Crssa). Ses résultats ont été présentés lors d’une séance de l’Académie nationale de médecine.
Vaccinés et naïfs.
Les 184 sujets, des femmes et hommes (sex ratio 0,84) âgés de 28 à 64 ans, avaient été vaccinés contre la variole dès l’âge de 1 an selon les recommandations de l’époque et avaient reçu de 1 à 5 rappels. Afin d’étudier les effets de l’âge, ils ont été répartis en 4 groupes : 25-35 ans (n = 22), 36-45 ans (n = 63), 46-55 ans (n = 70), 56-65 ans (n = 29). Dix volontaires de moins de 25 ans qui n’avaient donc jamais été vaccinés contre la variole ont constitué un groupe de sujets naïfs grâce auquel ont pu être validés les seuils de réponses des méthodes utilisées pour tester la réponse immunitaire : test Interféron gamma Elispot qui étudie les cellules T mémoires effectrices dans la circulation sanguine ; test de prolifération lymphocytaire mesurant la réponse des cellules T mémoires centrales.
Le premier test s’est révélé plus efficace pour distinguer les sujets antérieurement vaccinés et les sujets naïfs. L’utilisation du test lymphoprolifératif «pourrait permettre de distinguer les sujets à revacciner en priorité», soulignent les auteurs de l’étude. Ainsi, avant la vaccination, le test IFN-ELISpot était positif chez 21 % des sujets alors que le test de prolifération lymphocytaire l’était chez 72 % des sujets.
Le fait que «près de 75% de la population vaccinée avant 1980 conservait une mémoire immunitaire de type prolifératif seul» confirme que l’immunité résiduelle peut persister très longtemps. Mais la réponse tend à décroître avec l’âge.
Les tests effectués avant la revaccination ont montré qu’avant 55 ans 74 % des sujets sont répondeurs au test de prolifération lymphocytaire et 62 % après 55 ans. Toutefois, la réponse peut être réactivée chez les sujets prévaccinés grâce à la revaccination. Chez les 64 sujets qui ont dû être revaccinés, près de 85 % des non- répondeurs ont dépassé le seuil de positivité (test IFN-ELISpot) et tous les sujets ont développé une réponse proliférative à la vaccine dans les deux mois suivant la vaccination. Les résultats suggèrent qu’en cas d’agression terroriste avec du virus de la variole, «il pourrait être proposé que soient choisis en priorité les sujets n’ayant jamais été vaccinés, puis les sujets de plus de 55ans», concluent les auteurs.
Variole sur Internet
En 2004, un comité consultatif d’experts de l’OMS avait signalé le risque possible d’une menace bioterroriste par un virus synthétique. A en croire le journal britannique « The Guardian », la menace se précise. Le quotidien aurait réussi à se procurer une courte séquence du génome viral. La commande a été passée par Internet en utilisant « juste le nom d’une société imaginaire avec un numéro de portable et une adresse e-mail ». L’entreprise contactée, VIH Bio Ltd, spécialisée dans la fourniture de matériel aux laboratoires de biologie moléculaire, n’a effectué aucun contrôle. Elle s’est toutefois inquiétée, par téléphone, que l’adresse corresponde à un particulier. Le journaliste du « Guardian » a simplement répondu que « l’entreprise était en plein déménagement et que l’adresse mentionnée permettait de s’assurer que le colis serait bien réceptionné ». Un stratagème qui a, semble-t-il, parfaitement réussi. Toutefois, « The Guardian » avait pris la précaution d’introduire trois petites modifications par rapport à l’ADN du virus de la variole, ce qui le mettait à l’abri de toute poursuite pour acte de bioterrorisme.
Le quotidien met en garde contre le vide juridique relatif à ce genre de nouvelle technologie. Si les chercheurs ont des raisons légitimes d’acheter des fragments d’ADN tirés d’agents pathogènes, les sociétés qui les vendent devraient contrôler systématiquement s’il s’agit d’un agent sensible et quel type de société l’achète. Il semble que ce ne soit pas le cas, surtout pour les petites séquences d’ADN de moins de 100 bases.
Or la synthèse d’un virus en laboratoire semble désormais possible depuis l’annonce en 2002 de la synthèse du poliovirus à partir de fragments de 70 bases. Récemment, Craig Venter, qui a participé au séquençage du génome humain, a annoncé avoir fabriqué artificiellement en deux semaines un autre virus, le PhiX174. Par rapport aux deux microorganismes précédents, la séquence du virus de la variole est plus longue : 180 000 paires de bases, contre 7 741 pour le poliovirus ou 5 386 pour le PhiX174. « Cependant, les techniques s’améliorent et il n’y a aucune raison théorique pour ne pas y arriver », conclut le journal.
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