DEVASTÉS en 1999 lors de la guerre entre les Serbes et les Albanais du Kosovo, les hôpitaux et les services de santé de cette région se reconstruisent progressivement grâce à l’aide internationale. Province serbe de 2 millions d’habitants, à 90 % albanais, le Kosovo est toujours administré par les Nations unies et protégé par ses Casques bleus. Aujourd’hui, sa capitale, Pristina, possède le centre de télémédecine le plus moderne de toute l’Europe du Sud-Est.
«A partir des années 1990, la plupart des médecins et des universitaires albanais ont été expulsés par les Serbes, qui ont saboté les infrastructures sanitaires lors de leur retrait en 1999», rappelle le Dr Rifat Latifi, chirurgien kosovar formé aux Etats-Unis, qui a lancé l’idée d’un centre de télémédecine pour le Kosovo au début de l’an 2000. «Nous n’avions plus de bibliothèques ni de lieux d’enseignement, et trop peu de professeurs et de médecins, dont beaucoup étaient insuffisamment formés, mais la télémédecine pouvait répondre à ces difficultés», poursuit-il.
Partageant son temps entre le Kosovo et l’Arizona, le Dr Latifi a obtenu des aides de l’Union européenne, qui lui ont permis, à la fin de 2002, d’ouvrir un centre dans les locaux du CHU de Pristina, avec un « auditorium électronique » de 100 places et plusieurs salles de cours plus petites. Il permet aux médecins de suivre des cours et des formations continues par visio- et vidéoconférences, dispensés en Europe et aux Etats-Unis, et leur offre un accès informatique à toutes les grandes bibliothèques médicales du monde. Ouverte 24 heures sur 24, la bibliothèque virtuelle ne désemplit pas. Auparavant, souligne le Dr Latifi, «il fallait se contenter de quelques vieux livres de médecine… avec le portrait de Tito sur la couverture». Enfin, le centre relie entre eux les services médicaux du CHU de Pristina, y compris ceux qui sont situés hors de la ville.
Réconciliation.
Aujourd’hui, le centre veut aller plus loin et devenir un outil de télémédecine et de formation médicale pour l’ensemble des Balkans, «y compris dans une optique de réconciliation avec les Serbes», poursuit le Dr Latifi. Il souhaite le connecter aux hôpitaux de l’ex-Yougoslavie et des pays voisins, mais aussi permettre aux médecins isolés de travailler avec lui.
Aujourd’hui, le centre de télémédecine achève de se connecter aux hôpitaux locaux du Kosovo et organise des formations pour tous les professionnels de santé de la région. Demain, il souhaite devenir accessible à tous les médecins kosovars puis à ceux des pays voisins, qui pourront lui demander un conseil ou une expertise spécialisée, avec un support imagé et informatique. Le centre sera en mesure d’organiser une visioconférence réunissant, par exemple, un médecin spécialiste à Pristina, le patient et le médecin traitant dans son cabinet. «La région est très enclavée, les routes sont mauvaises et on manque de médecins dans les campagnes, surtout de spécialistes», souligne le Dr Latifi qui, fort de son expérience, a publié récemment un ouvrage sur l’intérêt de la télémédecine dans les pays en développement ou en reconstruction. Evidemment, ces nouvelles missions ont un coût, et les médecins du centre sont à la recherche d’aides européennes et internationales supplémentaires.
Enfin, au-delà de ses multiples avantages, le centre de Pristina illustre, pour les médecins, la volonté du Kosovo de retrouver son autonomie et son autosuffisance dans le domaine de la santé, mais aussi d’entrer de plain-pied dans la modernité.
Pour en savoir plus sur le centre de télémédecine du Kosovo : www.telemedks.org.
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