«ON SAIT que la femme a un cerveau depuis peu de temps; qu’elle a un coeur, c’est encore plus récent.» La boutade lancée par le Dr Michèle Lachowsky ne vise pas la misogynie de la société, mais la méconnaissance, par les femmes et leurs médecins, du risque cardio-vasculaire de la population féminine. Les maladies cardio-vasculaires sont encore considérées comme typiquement masculines. Malheureusement pour les femmes, c’est faux. Une femme sur trois meurt d’une maladie cardio-vasculaire contre une sur vingt-cinq pour le cancer du sein, ce qui en fait la première cause de mortalité de la femme.
On pense la femme préservée du risque cardio-vasculaire par ses hormones, ce qui est de moins en moins vrai avec l’apparition de nouveaux facteurs de risque (tabagisme, obésité, sédentarité). Or, à la ménopause, le risque s’accroît considérablement. Modification de la pression artérielle, modification du poids, des graisses et de leur répartition, augmentation de l’insulinorésistance avec apparition de syndrome métabolique, autant d’éléments qui rendent la femme particulièrement vulnérable.
Les femmes ne se préoccupent bien souvent du risque cardio-vasculaire qu’à cette étape de leur vie, alors que la prévention doit se faire bien avant, constate le Dr Tabassome Simon (CHU Saint-Antoine, Paris). Les facteurs de risques sur lesquels on peut agir, tabagisme, hypertension artérielle, excès de cholestérol, obésité, diabète, sédentarité, alimentation pauvre en légumes et en fruits, sont responsables de 90 % du risque de premier d’infarctus, rappelle-t-elle.
Les hommes mieux pris en charge.
Un sondage* confirme que les femmes ne connaissent pas ces facteurs de risques : si 56 % évoquent le tabac et 53 % l’alimentation, elles ne sont que 17 % à citer le cholestérol et le surpoids et 8 % l’hypertension artérielle. Conséquence directe, elles ne sont que 16 % à envisager suivi médical et dépistage comme prévention.
Elles ne sont donc pas conscientes du risque qu’elles courent : 40 % des femmes présentant au moins trois facteurs de risques et affirment n’avoir jamais parlé de risque cardio-vasculaire avec un médecin.
Plus étonnant encore, la prise en charge médicale varie, elle aussi, selon le sexe : si les maladies cardio-vasculaires sont un risque largement ignoré par les femmes, il est également sous-estimé par les médecins, explique le Dr Simon. A l’appui de cette affirmation, une étude anglaise sur les prescriptions de traitement hypolipémiant chez les coronariens selon laquelle les hommes ont 42 % de chances supplémentaires de se voir prescrire un tel traitement.
«Il est gravé dans l’inconscient collectif que c’est une maladie d’homme, insiste le Dr Simon, cela vaut également pour les médecins. Aux urgences, quand une femme arrive pour un infarctus, il y a souvent retard au diagnostic, les symptômes sont atypiques, elle va plutôt se plaindre d’un état général ou de douleur au ventre... Les femmes arrivent donc plus tard dans les services spécialisés.»
Autre particularité : l’infarctus, plus rare chez la femme jeune, est plus dangereux que chez l’homme. Une étude sur la prise en charge de l’infarctus du myocarde à l’hôpital a montré que, dans la tranche des 30 à 67 ans, il y a deux fois plus de risques de décès pour les femmes que pour les hommes**.
«Il faut faire entrer les maladies cardio-vasculaires et le risque cardio-vasculaire global dans la vie des femmes, dans leur parcours tout au long de leur vie. Il faut faire évoluer les idées reçues en informant les femmes, en les incitant à consulter un spécialiste, à se faire suivre: évaluations régulières de leur taux de cholestérol et de leur pression artérielle...» Ce rôle de prévention pourrait être joué par les gynécologues, suggère Dr Michèle Lachowsky, «nous qui avons la chance de suivre les femmes longtemps, de leur première pilule à la ménopause. Les maladies cardio-vasculaires doivent faire partie de nos préoccupations de médecins, au même titre que le cancer».
* « Les Françaises face au risque cardio-vasculaire », Fédération française de cardiologie/Observatoire national Pfizer.
** Etude Usic, « European Heart Journal ».
Un AVC à 47 ans
Elle court chez le pédiatre et l’orthophoniste, elle surveille les analyses de cholestérol de son mari, ses rendez-vous à elle sont souvent repoussés, faute de temps. La femme, pilier de la santé de la famille, de la santé de tous, sauf de la sienne.
Evelyne était un peu cette femme, jusqu’au jour où elle s’est écroulée, victime d’un accident vasculaire cérébral. Elle avait 47 ans. « J’étais au restaurant avec mon mari, je me suis penchée pour attraper mes cigarettes dans mon sac, ça a été foudroyant, je n’ai pas pu me relever, je ne pouvais plus parler, j’avais la moitié du corps paralysé. »
Transport au service d’urgences de neurologie de Sainte-Anne, soins intensifs pendant dix jours. « On m’a découvert du cholestérol et de l’hypertension ; je n’avais jamais fait d’analyses. Entre les enfants et le boulot je repoussais toujours les visites. En tant que grande fumeuse je pensais plutôt au cancer. »
Trois ans plus tard, Evelyne n’a gardé aucune séquelle de son AVC, elle a arrêté de fumer, modifié son alimentation, augmenté son activité physique et, bien sûr, se fait suivre régulièrement. Elle se sent un peu miraculée et s’est engagée comme bénévole dans l’association France AVC*. A l’écoute téléphonique, elle diffuse les messages de prévention.
Association France AVC : tél. 01.45.65.74.97.
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