LES PRINCIPES éthiques qui régissent la recherche médicale impliquant des sujets humains sont inscrits dans la déclaration d'Helsinki de 1964. Ils imposent que toute personne se prêtant à une telle recherche donne son consentement libre et éclairé avant d'être incluse dans une étude. Une information claire doit donc lui être apportée sous deux formes distinctes : orale par le médecin investigateur et écrite, grâce à la remise d'un formulaire d'information et de consentement.
Cette information écrite est soumise au Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (Ccpprb) qui peut demander des modifications de forme ou de fond avant d'émettre un avis.
Sa rédaction est difficile. L'information délivrée doit non seulement être exhaustive (objectif de l'étude, méthodologie, durée, bénéfices attendus, contraintes et risques prévisibles, avis du Ccpprb et, le cas échéant, l'inscription dans un fichier national), mais elle doit s'efforcer d'être lisible et compréhensible.
Des chercheurs* des centres d'investigation clinique de Grenoble, de Lyon et de Saint-Étienne ont tenté de vérifier l'impression, partagée par beaucoup, du peu de lisibilité des documents remis avant l'inclusion aux essais. Pour cela, ils ont comparé les formulaires d'information et de consentement réalisées dans les trois centres entre le 1er janvier et le 15 juin 2003 à différents textes de référence nationaux publiés de 1998 à 2002. Quelque 73 formulaires comportant tous un avis favorable du Ccpprb ont été inclus, de même que 33 textes de référence correspondant à cinq niveaux d'étude : 7 pour l'évaluation de la lecture au cours préparatoire (CP), 7 fiches de lecture du cours moyen 2e année (CM2), 5 sujets de français du brevet des collèges, 11 sujets du baccalauréat de français, 7 sujets de version latine des épreuves de l'agrégation de lettres classiques.
Indices quantitatifs.
La lisibilité définie par « la propriété d'un texte d'être clair, déchiffrable, interprétable par le lecteur » a pu être appréciée au moyen d'indices quantitatifs. Deux tests ont été utilisés : le test de Flesch, disponible dans le correcteur de grammaire et d'orthographe standard du logiciel Microsoft Word, et l'analyseur Cordial (Synapse développement France). Le premier est fondé sur la longueur des phrases, le nombre de syllabes par mot et de phrases par paragraphe. Le second donne des indices sur le lexique, la syntaxe et la sémantique : longueur moyenne des phrases et complexité de leur construction, proportion des noms communs inconnus des dictionnaires, des noms abstraits par rapport aux noms concrets ou de mots polysémiques par rapport aux mots monosémiques et pourcentage de conjonctions de coordination, d'appositions, de propositions participiales. Moins le texte est lisible, plus l'indice (compris entre 0 et 100) est faible.
Les résultats publiés dans « la Presse médicale » montrent clairement que les indices quantitatifs de lisibilité établis pour les formulaires sont les plus mauvais de tous ceux qui ont été calculés. Les indices de Flesch et de Cordial s'élèvent respectivement :
- pour le CP : à 66 et 86 ;
- pour le CM2 : à 62 et 77 ;
- pour le brevet des collèges : à 58 et 74 ;
- pour le baccalauréat : à 42 et 49 ;
- pour l'agrégation : à 43 et 43 ;
- pour les formulaires : à 22 et 1.
La conclusion est sans appel, même si l'indice Cordial qui prend en compte la rareté du vocabulaire, est peu adapté au vocabulaire médical : « La lisibilité lexico-syntaxique des formulaires d'information et de consentement étudiés est faible, plus basse que celle des sujets d'agrégation de lettres classiques. »
Aucune des caractéristiques qualitatives ou quantitatives des protocoles n'a d'influence sur ce résultat. Elles sont résumées de la façon suivante : essai médicamenteux (38,4 %), multicentrique (57,5 %), randomisé (63 %), contrôlé (63 %), avec un promoteur public (75,3 %) et un bénéfice individuel direct (69,9 %) , pour un nombre médian de patients de 99, bénéficiant de cinq visites pendant les cinq mois de l'essai.
« Ces données, affirment les auteurs, confirment l'impression subjective de nombreux médecins : la lisibilité de ces documents est mauvaise et souvent peu susceptible d'éclairer utilement ». Toutefois, ils font remarquer que la lisibilité des formulaires ne reflète pas à elle seule la qualité de l'information donnée aux personnes. Celle-ci est également donnée oralement par l'investigateur. Les données d'une étude précédente publiée dans le « Lancet » portant sur un questionnaire oral soumis à des patients inclus dans un essai clinique d'urgence portant sur l'infarctus du myocarde sont, de ce point de vue, révélateurs : 91 % des patients qui ont accepté de participer à la recherche n'avaient pas lu les documents informatifs mais 95 % avaient bien compris l'information donnée oralement. L'entretien avec l'investigateur reste donc crucial. Cependant, l'information qui y est donnée n'est pas contrôlable et il est important de chercher à améliorer la lisibilité des formulaires, en leur appliquant peut-être de façon systématique un test de Flesch.
* A. Paris, J.-L. Cracowski, N. Ravanel, C. Cornu, E. Gueyffier, B. Deygas, K. Guillot, J.-L. Bosson, M. Hommel, « la Presse médicale », 15 janvier 2005, tome 34, n° 1.
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