LES ETUDES qui ont cherché à trouver une relation entre intelligence et suicide sont contradictoires. Pour en avoir le cœur net, des chercheurs britannique et suédois* se sont penchés, d'une part, sur les registres du service militaire, qui contiennent les résultats des conscrits aux tests d'intelligence, et, d'autre part, sur les causes de décès. Ils ont pu ainsi connaître le destin de 987 308 Suédois, testés donc à l'âge de 18 ans et morts entre cinq et vingt-six ans plus tard. Il n'y avait plus qu'à chercher le score intellectuel des 2 811 hommes qui se sont suicidés pendant la période de l'étude.
Les résultats sont très clairs : le risque de suicide est de deux à trois fois plus élevé chez ceux qui ont de mauvais résultats aux tests d'intelligence que chez ceux qui en ont de bons. Sachant que les troubles mentaux sont plus fréquents chez les premiers, les auteurs ont pris la précaution d'éliminer les sujets souffrant de telles pathologies. Et cela ne change rien à la forte relation entre faible intelligence et suicide.
Quatre tests ont été utilisés pour cette recherche : logique/intelligence générale, aptitudes verbales (détection de synonymes), perception visiospatiale et géométrique et habiletés mécaniques (problèmes mathématiques et de physique). Et c'est pour le test de logique que le lien est le plus fort : pour chaque barreau s'élevant dans l'échelle des scores, le risque de suicide diminue de 12 %.
Une question d'ambition.
La plus grande corrélation entre tests d'intelligence et suicide est trouvée chez les personnes qui ont des parents à haut niveau d'éducation. Ce n'est pas un paradoxe : quand on a des parents intellectuels et qu'on n'est pas très intelligent, on s'expose à les décevoir et à se décevoir soi-même. De même, c'est pour les conscrits les moins éduqués que la corrélation tests-suicide est la moins forte : ils ont moins d'ambitions professionnelles et, donc, moins de risques d'être déçus.
Les chercheurs font plusieurs hypothèses pour expliquer leurs résultats. Les médiocres performances lors des tests peuvent aussi bien être la conséquence de problèmes - neurologiques, psychologiques, d'adaptation - pendant l'enfance que la cause de l'impossibilité de faire face à une crise à l'âge adulte. Il y a encore beaucoup de recherches à faire avant de trouver le chemin d'une prévention. Quant à affirmer que l'intelligence préserve du suicide, de nombreux cas célèbres nous en détournent.
* D. Gunnell (université de Bristol), P.K.E Magnusson (Rudbeck Laboratory, université d'Uppsala), F. Rasmussen (Karolinska Institute, Stockholm).
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