DE NOTRE CORRESPONDANT
DEPUIS 2002, les parlementaires des 179 pays ayant participé à la Cipd ont mis en place un suivi du plan d'action et de ses mesures : ils viennent de se réunir au Conseil de l'Europe, à Strasbourg, pour évaluer les besoins à couvrir et les progrès réalisés. Comme l'a rappelé la directrice du Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa), Thoraya Ahmed Obaid, plus de 130 pays ont déjà adapté leurs systèmes de santé pour mieux intégrer la santé de la reproduction dans les soins de santé primaire, et pour former du personnel et pour développer la planification familiale. Actuellement, dans le monde, un tiers des femmes enceintes ne reçoivent aucun soin de santé, et un accouchement sur deux a lieu sans la moindre assistance qualifiée. Mais les difficultés financières ont souvent entravé la réalisation de ces programmes, comme l'ont rappelé de nombreux médecins au cours de la conférence (voir encadré). Ce sont les pays qui ont réussi à décoller économiquement et à maîtriser leur démographie qui obtiennent les meilleurs résultats en matière de santé reproductive, comme la Tunisie, l'île Maurice ou la Thaïlande.
Mais ces succès côtoient des situations dramatiques dans les pays les plus pauvres, d'autant plus que les pays développés n'ont pas toujours rempli leurs engagements : en 2003, ils n'ont versé que 3 milliards d'euros pour la santé de la reproduction dans les pays en voie de développement, alors qu'ils s'étaient engagés à en verser le double.
Même si 40 % de la population mondiale, contre 30 % il y a dix ans, a recours aujourd'hui à la contraception, cette proportion reste insuffisante pour maîtriser la démographie et enrayer l'explosion du VIH. En 2015, les sommes allouées dans le monde aux contraceptifs et aux préservatifs devront augmenter encore de 40 % pour parvenir à ces objectifs. Comme le rappelle l'Unfpa, il suffirait d'affecter l'équivalent de trente-six heures des dépenses consacrées chaque année à l'armement dans le monde pour permettre une planification familiale efficace et prévenir la quasi-totalité des décès pendant les grossesses et les accouchements. L'implication des parlementaires dans le suivi de la Cipd est d'autant plus importante, rappelle l'Unfpa, qu'ils votent non seulement les budgets nationaux, mais aussi les lois qui permettront d'améliorer la situation des femmes dans leurs pays respectifs. Les parlementaires ont rappelé leur engagement de consacrer au moins 10 % des budgets d'aide au développement à la santé de la reproduction, tout en renforçant les politiques de protection et de promotion des droits des femmes à travers le monde.
Afrique : le coût humain des trois retards
Le Pr Christiane Welffens-Ekra (Abidjan), présidente de la Société africaine de gynécologie-obstétrique, a rappelé à Strasbourg que si tous les pays africains se sont dotés depuis 1994 de plans d'action pour réduire la mortalité des mères et des nouveau-nés, ces plans ne sont pas toujours adaptés aux besoins et souffrent surtout d'un dramatique manque de moyens. « Les femmes et les nouveau-nés continuent de mourir à cause de la combinaison des trois retards, à savoir la décision trop tardive de faire appel aux soins, le retard pour accéder à ces soins et le retard avec lequel ils sont prodigués », souligne-t-elle.
En Afrique noire, le risque pour une femme de mourir pendant sa grossesse est de un sur seize, alors qu'il est de un sur 2 400 en Europe. Les causes de mortalité maternelle les plus fréquentes sont les hémorragies, suivies des infections et des avortements. L'inadaptation des structures de santé, les insuffisances de l'accueil et notamment des soins obstétricaux et néonatals d'urgence aggravent encore la situation, de même que l'absence de système de référence fonctionnel qui permettrait de transférer les parturientes dans des hôpitaux mieux adaptés à leur état, poursuit le Pr Welffens-Ekra.
« Les budgets votés par les pays et les organisations internationales pour réduire la mortalité des femmes et des enfants doivent répondre à des besoins concrets », termine-t-elle, en rappelant l'importance de l'éducation et de la prévention, que ce soit face au VIH ou à des complications postaccouchements. Comme la fistule obstétricale, encore trop souvent négligée, mais synonyme de rejet et d'exclusion pour les femmes qui en sont atteintes.
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