Depuis janvier 2003, 67 « morts de la rue » ont été recensés à Paris et dans sa banlieue. Un chiffre évidemment inférieur à la réalité, puisqu'il ne prend en compte que les décès portés à la connaissance des associations. Regroupées au sein d'un collectif*, celles-ci s'efforcent de briser le silence qui entoure la mort des sans-abri, « cette forme supplémentaire d'exclusion », comme l'affirme le Dr Jean Maisondieu, médecin-chef à l'hôpital de Poissy (Yvelines).
La semaine dernière était organisée une manifestation, animée par une trentaine d'artistes et de personnes sans domicile, et à laquelle ont participé quelques centaines de personnes, pour dénoncer les conditions dans lesquelles les exclus vivent leurs derniers moments, avant d'être enterrés, dans l'indifférence et l'anonymat, dans les « caveaux à décomposition accélérée » de la section des « indigents », au cimetière de Thiais (Val-de-Marne).
43 ans en moyenne
« Nous sommes confrontés à la mort prématurée (43 ans en moyenne sur les deux dernières années) des personnes vivant à la rue ou l'ayant quittée depuis peu, explique un militant de l'association Aux captifs, la libération ; sur certains lieux, les deuils sont fréquents. Par exemple, au centre de Paris, dans le quartier des Halles, 10 % de la population domiciliée par les associations est décédée entre février 1999 et mai 2000... Les raisons de ces décès sont en partie dues à des conditions de vie épuisantes, exposées à des dangers tels que, même au moment où la situation de quelques-uns semble s'améliorer (désintoxication, accès au logement ou obtention d'un travail), leur fragilité est telle qu'elle s'accentue et entraîne alors l'issue fatale. »
Depuis octobre 2000, le collectif associatif tente d'éveiller l'attention de l'opinion publique et des élus et a obtenu quelques améliorations, telles la pose de plaques gravées avec l'identité des disparus, désormais autorisée au cimetière de Thiais.
Les associations poursuivent cependant leurs efforts en faveur des vivants, en particulier en leur proposant des formations en art-thérapie : « L'art leur donne les moyens de s'exprimer, de sortir les choses qu'ils ont en eux », explique la comédienne Agnès Duclos, qui les fait travailler une fois par semaine depuis un an. « La création d'un texte d'une chanson, d'une peinture, permet de redonner un peu de dignité, c'est une revanche », ajoute Eric Racine, clown et chanteur.
Sur le podium dressé la semaine dernière place des Innocents, sans-abri et artistes se sont succédé pour lire témoignages et poésies, interprétant aussi des chansons. « Moi, je vis rue Nulle -Part, faites un geste ou restez indifférent, comme vous je finirai par mourir », a repris en chœur la foule des militants, sur le texte de Slimane, un ex-sans-abri.
Collectif Les Morts de la rue, 06.82.86.28.94, mortsdelarue@free.fr. Avec ATD-Quart-Monde, Emmaüs, Les Petits Frères des pauvres, les Restaurants du cœur, le Secours catholique, Macadam Café...
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