Quatre-vingts millions de prescriptions d'antibiotiques par an en médecine de ville, et un taux de résistance des bactéries aux antibiotiques en forte progression chaque année : l'assurance-maladie a décidé de tirer la sonnette d'alarme et lance une vaste opération contre les « mésusages » dans la prescription d'antibiothérapies.
Au programme, une étude commandée à l'IPSOS, entre deux et huit millions de tests de dépistage rapide (TDR) pour l'angine mis gratuitement à la disposition des médecins sur trois ans, et enfin une vaste campagne de pub destinée au grand public sur le thème : « Les antibiotiques, c'est pas automatique ».
L'étude commandée à l'IPSOS fait ressortir la méconnaissance des patients à l'égard des antibiotiques, trop souvent considérés comme « les seuls médicaments qui marchent », notamment pour la grippe, l'angine ou la bronchite : seulement 30 % des patients savent que les antibiotiques ne sont efficaces que sur les bactéries, et 58 % des patients se sentent « rassurés » par une ordonnance d'antibiotiques, selon Daniel Lenoir, président de la CNAMTS, qui commentait les résultats de cette enquête. En outre, beaucoup de médecins disent subir des pressions de leurs patients pour obtenir des antibiotiques, et 12 % seraient même prêts à changer de médecin s'il refusait de leur en prescrire.
Des actions de formation
D'où l'intérêt de généraliser à l'échelon national la procédure d'expérimentation pilote d'un test de diagnostic rapide de l'angine, expérimenté en 1999 en Bourgogne. A l'époque, l'utilisation de ce test à l'échelon régional avait permis de réduire de moitié les prescriptions d'antibiotiques pour le traitement de l'angine et d'informer les patients sur l'inutilité des antibiotiques dans les infections virales. C'est à cet effet qu'a été signé le 5 juin dernier l'accord sur le bon usage des soins (AcBUS) portant sur la mise à la disposition des médecins de ce test de dépistage, qui est gratuit. L'assurance-maladie en espère tout à la fois une baisse de « six à sept millions » de prescriptions d'antibiotiques par an, une préservation de leur efficacité grâce à une utilisation plus ciblée (1) et une meilleure information des patients sur ce sujet. Des actions de formation de médecins vont être mises en place dans les prochains jours, accompagnées de la mise à disposition du test de dépistage rapide. Mais les médecins qui ne participeraient pas à cette formation pourront se procurer les bons de commande de ces TDR auprès de la caisse de leur circonscription. Pour Pierre Costes, président de MG-France, cet AcBUS est « fondateur d'un nouveau mode de fonctionnement du système de santé ».
Enfin, une vaste campagne d'information du grand public est prévue : à partir du 12 octobre, deux spots télévisés seront diffusés pendant six mois sur l'ensemble des chaînes nationales, tandis que des dépliants et des affichettes seront mis à disposition dans les cabinets et les officines.
(1) La durée nécessaire pour observer une baisse significative de la résistance des bactéries aux antibiotiques est de trois à cinq ans. Pour ce faire, l'assurance-maladie a signé une convention avec l'Institut Pasteur pour une analyse et une veille de l'exposition de la population aux antibiotiques en milieu non hospitalier.
Les chiffres clés
- 100 millions de prescriptions d'antibiotiques délivrées chaque année en France (80 % en ville et 20 % à l'hôpital). Plus d'un tiers de ces prescriptions concernent des maladies virales.
- La consommation d'antibiotiques progresse de 3 % par an.
- Sur 9 millions de prescriptions d'antibiotiques pour le traitement d'une angine, seules 2 millions sont justifiées.
- 50 % des souches de pneumocoques ont une sensibilité diminuée à la pénicilline.
- 20 % des staphylocoques dorés sont résistants aux antibiotiques.
(Source assurance-maladie)
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature